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En attendant, entretiens-toi en forme, en gaîté et en bonne santé. Occupe-toi à faire une compagnie homogène : perfectionne l’instruction de tes cadres ; dans les périodes de repos, veille à l’hygiène, au nettoyage, à l’instruction. Enfin, arrange-toi pour donner de la confiance à tous : cause avec tes hommes, montre-leur de la sollicitude, explique-leur la guerre, remonte leur moral, etc. Dans les tranchées, exige une vigilance rigoureuse, surtout avant l’aurore : il y a souvent des surprises dans les unités où ces règles ne sont pas appliquées.

Conserve ton moral, fait de confiance dans la victoire, de confiance en Dieu.


3 mars 1915.

Nous continuons dans ce sombre pays nos occupations accidentées. Cette lutte perpétuelle aguerrit admirablement nos jeunes troupiers et je suis stupéfait du cran qu’arrivent à montrer nos hommes, si peu préparés par l’éducation donnée avant la guerre à des réalités aussi tragiques : on se bat des journées entières dans des boyaux, à coups de grenades, de hache, de bombes à main ; c’est un corps à corps incessant dans lequel le fusil est une gêne. Lorsque le beau jour de l’offensive générale arrivera, quelle vigueur auront ces gaillards-là !

Car il arrivera, ce jour. De gros efforts sont faits en Champagne, ils sont couronnés de succès, mais la rupture n’est pas encore réalisée : question d’usure ; il faut dire d’ailleurs à l’honneur de nos ennemis qu’ils sont des militaires de premier ordre et des patriotes ardents.

Quant à nos amis les Russes, les voilà repartis ; quelle drôle d’armée ! mais ceux qui les connaissent sourient d’un air entendu, si l’on doute de leur force. Pour ces idoines, le succès russe est certain : c’est le flot qui revient sans relâche secouer l’épave jusqu’à ce qu’elle coule.


7 mars 1915.

Le chef est sacré, tant qu’il ne demande pas quelque chose de contraire au devoir ou à la conscience. Comme personne n’est parfait, de par sa nature humaine il aura toujours, à quelque point de vue, faiblesses et défauts. Il faut être assez fort pour les lui passer, dans l’intérêt de la discipline, du service ou du combat. C’est la règle d’airain.

Grandeur et servitude militaires. Le premier terme de cet