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avant qu’ils aient atteint une zone avantageuse, il y aura beau temps, en admettant même qu’ils continuent à me grignoter, qu’une décision se sera produite ailleurs. Car, si je t’ai vaguement indiqué antérieurement des possibilités de décisions diverses, il ne s’ensuit pas qu’on ait renoncé à envisager une œuvre plus nette et plus catégorique. On y travaille ; pazienza. C’est au cas où ces manœuvres échoueraient, en mettant les choses au pire, que nous pouvons considérer que l’usure économique ou une intervention nouvelle mettrait en tout cas l’adversaire à genoux.


10 février 1915.

Ici pas un jour ne se passe sans horion donné ou reçu. Mais je suis satisfait. Je crois avoir enfin acquis l’ascendant sur les gens d’en face. Mais il faut leur rendre justice, ils sont remarquables. Aussi les combats présentent-ils un caractère de violence inouï.

Quant à la situation, elle se présente sous les plus heureux auspices. Du côté de Châlons, à ma gauche, il se passe des choses intéressantes [1] et, si le succès nous couronnait, il pourrait y avoir du nouveau.

Je suis en train de goûter une lecture délicieuse : les Impressions de voyage d’Alexandre Dumas. Si elle te tombe sous la main, ne la manque pas ; autant les romans ont vieilli, autant ces récits de voyage sont attrayants.

Dans le volume « Excursions sur les bords du Rhin, » au chapitre « Waterloo, » je recueille cette prophétie : « Vingt-cinq ans se sont écoulés depuis cette époque... Dans cette plaine, on cherche vainement une pierre, une croix, une inscription qui rappelle la France ; c’est qu’un jour Dieu lui ordonnera de se remettre à l’œuvre de la délivrance universelle, commencée par Bonaparte et interrompue par Napoléon ; puis, cette œuvre accomplie, nous retournerons la tête du lion de Nassau du côté de l’Europe, et tout sera dit. »


26 février 1915.

Tu ne fais rien : il en est de même sur de nombreux secteurs du front : tant mieux. C’est parfait que les troupes soient dans l’impatience de marcher ; le moment venu, elles attaqueront avec entrain.

  1. Première offensive de Champagne, février 1915.