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dans une huitaine. D’ici là les hommes, en première ligne, sont dans la boue jusqu’à mi-jambes. Dans certaines tranchées, prises et reprises, ils sont sur des lits de cadavres des deux armées !

Tout cela est épique et sublime. Le soldat français est splendide.


26 décembre 1914.

Je suis très occupé à l’attaque d’un « Mamelon Vert » nouveau. Grâce à Recouly, qui a fait venir les Mémoires de Canrobert, je constate combien il y a d’analogie entre la situation du premier Mamelon Vert et celle du second.

Même rapidité de construction par l’ennemi, en une nuit ; même dispositif de défense un bastion en pointe sur deux courtines. Je la complète en procédant à la manière de Pélissier ; que Dieu la poursuive en me traitant comme ce dernier.


Poperinghe, 29 décembre 1914.

La guerre prête au sublime, mais surtout quand on est dans l’action immédiate, comme vous l’êtes. Nos hommes ont un moral remarquable ; ils accomplissent en toute simplicité des actes de héros. Chaque jour m’en apporte une preuve.

Voici celle de ce matin. Un officier de mon état-major en reconnaissance dans les tranchées rencontre un zouave occupé à bander une blessure qu’il avait à la jambe. Il lui demande pourquoi il ne se rend pas au poste de secours. Ce à quoi le zouave lui répond : « Nous ne sommes plus que deux dans l’escouade ; si je vais à l’ambulance, qui est-ce qui gardera mon créneau ? » Le tout avec le plus pur accent parisien des faubourgs et avec un air de pitié pour cet officier d’Etat-major qui, vraiment, avait l’air trop sensible.

Le 32e corps a reçu l’ordre de se concentrer à Cassel pour le 31.

Je suis relevé ce soir, juste au moment où j’avais projeté d’enlever le fameux Mamelon Vert. Je le cuisinais avec une artillerie réglée avec une telle précision que les prisonniers déclaraient impossible de tenir dans cet enfer. (Une affaire comme celle-là exige une préparation soignée, faute de quoi c’est l’extermination des troupes d’assaut pour un résultat nul ou insignifiant.)

J’avais en outre terminé la nuit dernière l’établissement