Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/771

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

évidemment de ruiner la cause de son échec, mais en vain : je dispose de 50 pièces lourdes de tous calibres en dehors de mon artillerie de campagne ; j’ai un cerf-volant observateur : il trinque !

Et la décision ? Bien matin serait celui qui en verrait la modalité. Passer par ici, du moins sur mon front, impossible : l’ennemi est fortifié maintenant, pas moyen de le décrocher.

Ailleurs, peut-être, mais où ? C’est le secret des grands états-majors. D’autre part, les Russes, bien que ralentis depuis quelques jours, peut-être même en échec, sont quand même aux portes des provinces essentielles de l’Empire. Il faudrait les arrêter au seuil du sol sacré. Pour cela d’autres corps d’armée sont nécessaires. Pour en prendre par ici, il faut occuper un front plus restreint : d’où retraite sur la ligne Anvers-Bruxelles-Maubeuge-Metz, dès maintenant organisée.

Seulement, quel effet produit sur le monde entier ! C’est pourquoi l’ennemi s’épuise en efforts aussi énormes que vains pour obtenir une apparence de succès qui puisse colorer sa dérobade et sauver la face.

Mais pour nous aussi, pour nos soldats, c’est bien dur ; depuis trois semaines, je livre des batailles acharnées où les perles sont énormes. Mais le moral est toujours bon et la confiance des troupes dans la victoire toujours solide. Nous les aurons !


25 novembre 1914.

... Le dégel est arrivé et, de nouveau, nous enfonçons dans la boue de ce pays jusqu’aux semelles ; mais pour moi, c’est un gros souci de moins : si l’Yser avait continué à geler, étant donné mes trente kilomètres de front, j’aurais été bien inquiet...


30 novembre 1914.

La bataille s’est calmée, les Allemands se retranchent, nous de même.

Ils sont sûrement perplexes ; ils ont échoué, en ce sens qu’ils n’ont pu nous enfoncer ; leur plan, sur le front occidental, s’écroule. Que vont-ils entreprendre, si la victoire des Russes se confirme et est vraiment une victoire ?

Et nous ? pour le moment, il s’agit de réparer les brèches, de se recompléter en cadres, hommes, matériel, etc. , — et j’imagine que, d’ici un mois au plus, nous ferons une manœuvre