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attaquons à fond et la victoire est à nous : encore un peu de patience !...


Sur l’Yser, 12 novembre 1914.

... Ici c’est une lutte effrénée, les fronts de bataille sont de véritables tonneaux des Danaïdes où s’engouffrent de chaque côté renforts sur renforts, ou plutôt des creusets qui, après chaque journée passée, produisent un mélange où il est difficile parfois de se reconnaître ! Les pertes des deux côtés sont en effet énormes, surtout chez les Allemands dont les nouvelles formations attaquent en paquet.

Je viens de passer deux journées terribles.

Le 10 au matin, ma petite armée, car je n’ai pas moins de six divisions d’infanterie et trois de cavalerie, a attaqué par surprise, de nuit et à l’arme blanche : — succès, mais pertes sérieuses, grosses fatigues ; aussi, le lendemain matin, les Allemands, qui avaient reçu un corps d’armée, ayant voulu me rendre la pareille, il s’en est suivi une sorte de surprise, à la suite de laquelle nous avons été ramenés. Une division, mal commandée, s’est repliée dans de telles conditions que, pendant vingt-quatre heures, j’ai cru la partie perdue : si les Allemands avaient poussé, je ne sais ce qui serait arrivé.

J’ai mis le général à pied et ai eu la chance de mettre la main sur un homme digne de ce rrom. La nuit dernière, il a remis les choses en place à la baïonnette, car, par ici, cet outil est d’usage constant, — et les bataillons allemands qui nous gênaient y ont passé en entier.

Ce matin, ça marche, mais ils viennent d’amener devant moi un nouveau régiment d’artillerie lourde. Quel potin !

La décision ne peut tarder ; on m’annonce des renforts ; je vais encore une fois essayer de passer ! Le 96e, qui est sous mes ordres, a perdu avant-hier 1800 hommes ; du 94e, il ne reste que 300 hommes, et quand ces deux trous seront bouchés, ce sera la même chose pour les nouveaux...


La Lovie, 20 novembre 1914.

... Depuis quarante-huit heures nous sommes engagés dans une formidable lutte d’artillerie ; que prépare l’ennemi ? Depuis que son attaque de trois divisions contre ma droite a été broyée par nos canons, il a renoncé à sortir son infanterie et il essaie