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Dis-toi que je pense sans cesse à toi, te suivant de mes vœux et de mes prières. Quel bonheur j’aurai à te serrer sur mon cœur avec fierté et tendre affection !

Bon courage. Dieu te garde.


SUR L’YSER


Hochstaedt, 1er novembre 1914.

... Je suis tout à fait au Nord, sur l’Yser, dans lequel je refoule les Boches avec assez de succès : inondations, bombardement, baïonnette... Cela nous a permis de faire pas mal de prisonniers et ceux-ci sont bien bas.

Hier, les Anglais ont fortement « écopé, » mais nous sommes venus à la rescousse, comme à Inkermann et avons rétabli leurs affaires. — Les Allemands subissent des pertes effroyables : leurs nouveaux corps ne manœuvrent pas comme les premiers ; ils ont des formations plus grégaires, et, dame, nous avons beaucoup d’artillerie, de la grosse et de la petite...

Aujourd’hui, Sa Majesté le Kaiser est là comptant sur la victoire : il n’aura pas cette joie... Demain, nous verrons.

Bon courage et confiance en Dieu, toujours.


Près Ypres, 8 novembre 1914.

... N’empêche que je pense souvent avec une grande inquiétude à vous. Je ne sais que trop à quels dangers sont soumis les officiers en première ligne ! Mais mon réconfort est en Dieu et j’ai la ferme espérance qu’il nous réunira tous, la guerre terminée, la victoire acquise, sains et saufs, communiant en une reconnaissance profonde de son infinie bonté.

Quand viendra ce beau jour ? La lutte, par ici, est de plus en plus violente : les Prussiens font des efforts désespérés pour nous enfoncer.

Pour cette nuit, j’ai monté une grosse affaire, une attaque générale de ma petite armée, car autour de mon CA on a agglutiné quantité de divisions et un corps de cavalerie. Quel succès aura mon entreprise ? Je suis perplexe. En tout cas, bien des braves resteront sur le carreau !...

Le moral des prisonniers est de plus en plus bas ; leurs carnets de route, les lettres qu’ils ont commencées, celles qu’ils ont reçues, décèlent un grand découragement. Tenons ferme,