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Les lettres dont nous donnons ici les extraits, ont été adressées à ses fils, tous deux jeunes officiers pendant la guerre. Leur intérêt n’est pas seulement d’offrir une sorte de raccourci de la guerre vue du Quartier Général d’un de nos généraux d’armée : on y trouvera surtout, avec les pensées qu’inspiraient au jour le jour au général Humbert, les événements où il était acteur, l’expression des idées et des sentiments qui l’animaient dans l’exercice des plus lourdes responsabilités.

Elles dessinent ainsi, de la façon la plus intime et la moins préméditée, quelques-uns des traits qui fixeront pour l’avenir la physionomie morale des grands chefs français pendant la guerre de 1914.



Rabat, 30 juillet 1914.

Nous sommes dans la plus grande perplexité à cause des événements européens ; si la guerre éclate, la répercussion ici, sera terrible ; nous prenons nos dispositions en secret.

Serai-je rappelé en France, resterai-je ici ? je n’en sais rien.

Quand cette lettre te parviendra, si toutefois elle te retrouve, tu seras peut-être à la frontière. Déjà la victoire aura couronné nos drapeaux ! Quel que soit ton sort, donne à ta mission toute ton âme, sans regrets, sans arrière-pensées.

Pour tout Français, pour tout officier surtout, la fin est simple : il faut vaincre.


4 août 1914.

Ma pensée te cherche en vain parmi les innombrables Français qui, en ce moment, se ruent vers la frontière. Où la mobilisation t’a-t-elle jeté ? Pourtant, c’est sans amertume que je m’efforce à te découvrir : où que tu sois, je sais que tu fais ton devoir et je t’envie d’être plus rapproché que moi de la bataille.

Arriverai-je a temps pour la victoire ? Le général Lyautey m’a désigné pour prendre le commandement de la division prélevée sur le Maroc : zouaves, marsouins, tirailleurs algériens, tirailleurs marocains. Quelle fierté j’éprouve, tu t’en doutes.

Les embarquements ont commencé hier : dans une quinzaine, au plus tard, j’espère débarquer de ma personne à Bordeaux.

Te rencontrerai-je au cours de la guerre ? Quelle joie ce serait d’être ton voisin, dans la bataille ! « 

Que Dieu te garde ; au milieu des soucis du commandement,