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LETTRES D’UN CHEF
À SES FILS
1914-1919

Il est inutile de rappeler ici le rôle joué au cours de la guerre par le général Humbert. La part qu’il prit à la victoire de la Marne comme chef de l’héroïque division du Maroc, à celle de l’Yser avec le 32e corps, puis à la tête de la 3e armée qu’il commanda pendant plus de trois ans, la défense de l’Argonne et, surtout, l’arrêt des grandes offensives allemandes de mars et juin 1918 en direction de Paris, sont présents au souvenir de tous.

Né d’une famille modeste, le 8 avril 1862, fils d’un ancien combattant de Crimée, gendarme à Rambouillet, le futur commandant d’armée était entré dans la carrière militaire à treize ans, comme enfant de troupe au 20e chasseurs à cheval. Sorti premier de Saint-Cyr et passé dans l’infanterie de marine, c’est au feu, du Tonkin à Madagascar qu’il avait conquis tous ses premiers grades. C’est dans l’action encore, après de longues années de labeur au 3e bureau de l’État-Major de l’armée, que la guerre le trouve, général à cinquante ans, adjoint du général Lyautey au Maroc, d’où il s’embarque aussitôt pour la longue suite de travaux qui le mènera, le 11 novembre 1918, à la tête de la 3e armée, devant Rocroy, frontière de la France libérée.

Nommé gouverneur militaire de Strasbourg, commandant supérieur du territoire d’Alsace, membre du Conseil supérieur de la guerre, il s’était consacré tout entier au grand rôle qui lui revenait dans notre province reconquise. Il y faisait revivre les plus belles traditions de l’armée française.

Agé de cinquante-neuf ans seulement, il semblait avoir encore devant lui une longue carrière. Mais le paludisme du Tonkin et de Madagascar le minait à son insu. Le 9 novembre 1921, le général Humbert mourait, d’une mort de soldat et de chrétien.