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seraient amenés à prendre, collectivement ou individuellement, auraient ainsi pour effet de créer une solidarité de plus en plus étroite entre l’Allemagne et ses créanciers, et ce serait, pour tous les pays, un précieux avantage. Il faut espérer que, dans les entretiens que M. Lloyd George et M. Poincaré vont avoir à Londres dans les premiers jours d’août, c’est vers des solutions de cette nature qu’ils orienteront la politique des réparations.

La France, qui a fait, sur le budget des réparations, une avance de 92 milliards de francs, a besoin, elle aussi, de maintenir son crédit et de soutenir son change. Si un moratorium, même court, est accordé à l’Allemagne, il faut que la France puisse réaliser, partiellement mais immédiatement, sous forme de gages précis, l’hypothèque générale que lui donne le Traité. Le Reich et les États possèdent un domaine considérable en mines fiscales, en forêts, en terres, dont ils pourraient dès maintenant se démunir pour payer une partie du capital de leur dette ; certains droits de douane ou impôts pourraient être perçus directement par les créanciers ou sous leur contrôle et à leur profit ; enfin on pourrait amorcer toute une politique de participations françaises aux entreprises allemandes. La crainte justifiée d’une catastrophe générale est de nature à rendre les industriels allemands plus traitables et le Gouvernement moins indécis.

Mais quelle est, quelle sera demain, l’autorité réelle du Gouvernement ? La crise politique déterminée par l’assassinat de Rathenau n’est pas terminée ; mais, dès maintenant, la solution dont nous parlions il y a quinze jours et qui aurait consisté à faire entrer les socialistes indépendants dans le Gouvernement en leur assurant deux portefeuilles a échoué ; les populistes ont exigé que, si le Ministère s’étendait à gauche, il s’élargît aussi à droite, et s’adjoignît deux d’entre eux. Les négociations ont échoué ; il n’en est résulté qu’un rapprochement des deux grandes fractions social-démocrates. La majorité gouvernementale reste la même et le Gouvernement demeure aussi faible ; les lois destinées à défendre la République ont été votées, mais avec des amendements ; et leur application rencontre, en Bavière notamment, une très vive opposition. Le Gouvernement n’est pas obéi. En Haute-Silésie, lors du départ des dernières troupes alliées, les fonctionnaires se sont montrés corrects, mais ils n’ont pu empêcher les Sociétés militaires de diriger une véritable fusillade sur les trains de troupes où d’ailleurs, par un heureux hasard, leurs balles n’ont tué que des Allemands. Les deux principaux assassins de Rathenau, Fischer et Kern, sur le point