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corps souffre. La disparition de la Russie comme facteur de production et de consommation nous en donne la preuve. Ce sont là des vérités qu’aucun Français n’a jamais contestées. Certains économistes et politiciens britanniques ont voulu rendre la France responsable d’un état de choses qu’elle déplore, dont elle souffre, qu’elle avait prévu et qu’il aurait été possible de prévenir si la politique anglaise avait été plus prévoyante et moins personnelle. Gênes et La Haye ont démontré que toute entente avec les Bolchévistes est un leurre. Les événements d’aujourd’hui et de demain montreront que, pour l’Allemagne aussi, la France a vu juste et loin et qu’elle s’est montrée bonne européenne. Les réparations ne ruineraient pas l’Allemagne si l’Allemagne n’avait pas voulu se ruiner, et si la politique de M. Lloyd George ne l’avait pas encouragée à la résistance. Et c’est peut-être les réparations qui offriront à l’Europe le moyen de sauver l’Allemagne. Les Allemands et beaucoup d’Anglais se représentent une France acharnée à détruire l’Allemagne. Lisez par exemple l’article où le professeur Walter Gœtz, dans la Hilfe du 5 juin, cherche à tirer les conclusions de la conférence de Gènes : il montre la France poursuivant une entreprise d’hégémonie et « grinçant des dents » parce que l’Angleterre et les États-Unis ont fait échouer ses desseins ; il s’attend encore, de notre part, « à des actes d’égarement, de désespoir, » mais il voit « les plus graves dangers de l’après-guerre déjà passés. » A force de répéter de pareilles histoires, les Allemands ont fini par les croire et le pis est qu’ils sont parvenus à les faire croire un peu partout. Ils ne tarderont pas à s’apercevoir que le plus grave danger, pour eux, n’était pas de faire honneur à leur signature. Nous avons dit souvent ici qu’entre un créancier et son débiteur, quand il s’agit de pareilles dettes, il se crée une solidarité d’intérêts qui doit finir par se traduire dans la politique des deux pays.

Avant de répondre à la demande allemande du 12 juillet, il convenait d’attendre le retour des membres du Comité des garanties qui s’étaient rendus à Berlin pour étudier sur place, de concert avec le Gouvernement allemand, les mesures à prendre pour l’assainissement des finances du Reich. Mais M. Lloyd George n’a pu se tenir de faire, dès l’abord, connaître son opinion ; répondant à la question d’un membre des Communes, il a déclaré qu’à son avis le moratorium devait être accordé, ajoutant toutefois que la décision appartenait à la Commission des réparations. Même avec cette réserve, la déclaration du Premier était intempestive. Libre de son opinion,