Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/698

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

diable ; ce diable est à cheval sur une sorte de monstre en bois mal équarri, et dont la croupe ne saurait se recourber en replis tortueux : du fond de la scène, il glisse en descendant sur une poutre, laborieusement. Alors des pétards, plantés un peu partout sur le dragon, fument, fusent, et, en éclatant, couvrent de leurs débris l’esprit du mal qui est obligé de mettre ses mains devant ses yeux. D’ailleurs imperturbable sous son poil, le diable persuade à un gentilhomme protestant de détourner de la foi deux gentilshommes catholiques. Une discussion morale et théologique commence, et, quoique l’un des deux catholiques résiste, on ne sait trop comment elle tournerait si la Vierge n’intervenait (figurée par une petite fille dressée sur un piédestal), et si le protestant, soudain foudroyé mystérieusement, ne se repentait pour mériter le pardon que lui octroie la Vierge.

L’auto est terminé ; la municipalité fait offrir à ses hôtes du vin et des biscuits ; puis commence une grande pièce, qui change chaque année, et qui est, cette fois. Les deux vice-rois de Sicile. Le public, ceux surtout qui sont trop loin pour bien entendre, a quelque peine à se mettre au silence ; et, soudain, le souffleur jaillit de son trou : « Si le public ne se tait pas un peu, la pièce ne va pas continuer longtemps ! » et l’autorité du souffleur fait plus d’impression que l’autorité trop discrète de l’adjoint, qui, près de nous, a déjà fait une menace semblable. Le souffleur a d’ailleurs un grand rôle, un rôle grandissant à mesure que la pièce est plus près de finir. Aux dernières scènes, il souffle jusqu’à des exclamations d’horreur ; les acteurs l’entendent, sans cela l’horreur ne suivrait pas d’assez près l’horrible. C’est avec ce naturel qu’est jouée la pièce, sans rien de cette recherche qui presque toujours conduit au ridicule.

L’après-midi de ce jour-là commence une autre représentation où ce sont encore les gens du village qui sont acteurs : c’est la course de taureau, la capea, sur la grande place publique. À la fin de l’après-midi, a lieu le bal en plein air.

Ainsi finit, à l’Assomption, par une fête religieuse suivie de saines et pittoresques distractions, l’année de la Vierge.

Le samedi suivant, l’année de la Vierge recommence, par une messe que l’on appelle la messe des étoiles ou la messe des pétards. Cette messe se dit, en effet, avant l’aurore et les fidèles qui s’y rendent lancent, avant d’entrer dans l’église, quelques fusées qui éclatent dans le ciel nocturne. Cette année, pour la messe des étoiles, le bon tio Ignacio est venu par le jardin nous réveiller en frappant aux volets. Il était enveloppé de sa grande cape et, sur le chemin de l’église, il