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UN
VILLAGE ESPAGNOL D’AUTREFOIS
LA ALBERCA

Le roi Alphonse XIII vient de visiter la contrée la plus mystérieuse et la plus désolée de son royaume, le pays de las Hurdes. Il n’est pas possible de concevoir un voyage plus différent de l’ordinaire déplacement officiel d’une Majesté. A las Hurdes, il n’y a point de routes ; des sentiers, presque toujours fort étroits et parfois obligés d’emprunter des pentes abruptes, sont le seul lien, ténu et lâche, qui relie entre eux et rattache au reste du monde les villages et les hameaux perdus dans les ravins de trois vallées rocheuses.

Dans ce pays où les nouvelles ne peuvent parvenir, le souverain s’est engagé. Il vient se rendre compte de la possibilité de sauver de la misère tragique une population de plusieurs milliers d’âmes. Sous le soleil torride des vallées encaissées et des croupes sans arbres, il s’avance à cheval, accompagné d’une escorte réduite où figurent, entre autres personnes, deux hommes qui ont beaucoup fait pour décider le Roi à ce voyage : le député du district, comte de Romilla, qui appartient à l’illustre famille des Alcalâ Galiano, et qui en maintient fidèlement la tradition de haute culture et d’amitié pour la France ; et le docteur Gregorio Marañon, dont les admirateurs étrangers (c’est-à-dire des spécialistes du monde entier) ne se figurent pas que ce membre de l’Académie de médecine de Madrid n’a que trente-deux ans.

Aux villages (si l’on en excepte un ou deux de la périphérie), point de beaux costumes ni de pavoisements : la grande majorité des habitants sont en haillons ; et comment pavoiserait-on, quand les taudis n’ont point de fenêtres ? Pourtant c’est une fête unique, sans commune