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On n’a pas assez remarqué qu’après l’achèvement de Versailles, les derniers travaux de Louis XIV ont été principalement des œuvres religieuses : la construction des Invalides, de la chapelle de Versailles, la décoration du chœur de Notre-Dame, chef-d’œuvre de Boffrand et de Robert de Cotte, mis en pièces par Viollet-le-Duc. Sainte-Croix d’Orléans, qui représentait le vœu d’Henri IV, tenait au cœur du roi, qui venait de répudier l’édit de Nantes. Les merveilleuses boiseries du chœur, qui furent exécutées alors sur les dessins de Gabriel, par l’ébéniste Degoullons, témoignent de sa sollicitude. Cette œuvre, l’exemple le plus parfait de décoration classique que nous ayons en France, se trouve reléguée, depuis la Révolution, dans la chapelle de l’ancien séminaire, aujourd’hui désaffectée, où elle demeure inutile et quasi inconnue. Il appartient au Gouvernement de rendre à la cathédrale ce décor fait pour elle, et qui manque à sa gloire.

C’est peu après l’achèvement de ces boiseries, que la question du grand portail fut évoquée devant le Roi. Il existait déjà un plan, et ce plan devait être un « parallèle de Saint-Pierre de Rome ; » la façade colossale de Maderna et du Bernin n’avait pas été jugée de trop pour l’église du vœu royal. Les travaux étaient commencés. Mais quelques personnes, appuyées par le nouvel évêque, Fleuriau d’Armenonville, combattaient ce projet, comme « informe (non conforme) à la susdite église. » Elles soutenaient que la cathédrale devait être construite d’un bout à l’autre dans le même style. L’affaire fut soumise au Roi, qui trancha le débat avec son bon sens ordinaire. Par trois arrêts successifs, du 6 septembre 1707 et des 27 mars et 26 novembre 1708, Louis XIV décida qu’il fallait rejeter « le dessein projeté d’une façade moderne, » et confia au sieur de Cotte le soin d’en préparer un autre « suivant l’ordre gothique. »

Rien n’est plus curieux que de voir Louis XIV prendre parti dans une affaire de ce genre, et se prononcer, lui, le Roi de la monarchie classique, pour ce qui devait lui être le plus étranger, pour l’architecture du Moyen-âge. Il est probable qu’il en décidait par des raisons de goût ; un monument devait être complet ; il devait être achevé dans le style de l’ensemble. Notez qu’il venait de commander, dans le style moderne le plus exquis, les boiseries du chœur ; ces détails d’ameublement et de décoration lui semblaient permettre des licences. L’idée ne lui