Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/688

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de perfection. Cet art évolué, assagi, qui a profilé de trois siècles d’expériences, a donné des chefs-d’œuvre comme Notre-Dame de Cléry, et c’est Cléry qu’on retrouve dans la cathédrale d’Orléans, jusque dans les élégances les plus rares de sa construction, telles que les claires-voies qui ajourent les retombées des voûtes du chœur. De pareilles audaces supposent la persistance d’une école pour laquelle il n’y avait pas de difficultés d’exécution. La même virtuosité se remarque dans les contreforts et dans le système des arcs-boutants, peut-être les plus parfaits qui aient été conçus. En deux mots, le vaisseau et le chevet de Sainte-Croix sont, en dépit de leur date, le plus bel exemple subsistant de l’architecture du XVe siècle ; toute la tradition des vieux maîtres, leurs savantes pratiques de coupe et d’appareil, leurs méthodes de construction s’étaient conservées intactes après un siècle de Renaissance. Seule la décoration s’était perdue en route ; on ne savait plus sculpter la chicorée ou le chardon, pas plus qu’on ne savait colorer un vitrail. Le maçon avait tout sauvé de son ancien métier, le verrier avait oublié le sien, et le sculpteur en avait appris un nouveau ; sa gêne se trahit dès qu’il s’agit d’autre chose que de la feuille d’acanthe.

Tout ce remarquable ensemble était achevé en 1623. Jusque-là il ne s’était agi en somme que d’une copie. Il n’en alla plus de même lorsqu’on aborda les façades des transepts. Ici, on n’avait plus de modèle. L’ancienne cathédrale se terminait, aux deux bouts de ses croisillons, par des bâtisses romanes vermoulues et hors de proportion avec le corps de l’édifice ; cette disparate se répétait devant la grande nef, qui finissait en queue de poisson par deux vieilles tours mesquines. Il est visible qu’à ce moment le bureau des notables chargés de la conduite de l’œuvre éprouva de grandes perplexités. Les idées de la Renaissance avaient fait de grands progrès ; aucun projet de façade n’avait été retrouvé dans les archives de la cathédrale. Par quoi allait-on remplacer la vermine de vieilleries romanes qui en déshonorait l’entrée ? Les premiers architectes de Paris furent consultés ; de Brosse et du Cerceau soumirent un dessin classique : c’était une variante de la façade de Saint-Gervais, alors dans toute sa nouveauté. Ce dessin ne réussit pas à réunir tous les suffrages. On décida de recourir à l’arbitrage de Le Mercier, l’homme de Richelieu et l’auteur de la belle église de la Sorbonne. Celui-ci se prononça pour le P. Martellange,