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des bûches de la cave, allumer des poêles, et autres corvées... On voit le temps qui reste pour les études.


Les professeurs qui, pour la plupart, ont servi sous l’ancien régime et ont été formés d’après les anciens principes, ne se soumettent à ce nouveau régime que contraints et forcés ; le Gouvernement le sait ; aussi les considère-t-il comme des ennemis et leur témoigne-t-il une parfaite méfiance. Mais il a besoin d’eux, et il les conserve, le nombre en étant devenu insuffisant par suite de la guerre et de la révolution.

D’enseignement moral il ne saurait plus être question : la propagande en faveur du régime communiste en tient lieu.

Quant à la discipline, que peut-elle devenir dans ces écoles ? Elle est mise en échec par l’organisation soviétique implantée jusque parmi les élèves qui, à l’instar des soldats et de toutes les autres corporations, tiennent leur soviet dans chaque lycée, et ont leur club, magnifiquement installé, et meublé avec les meubles enlevés aux palais impériaux et même aux particuliers. (Je peux en témoigner, puisque toute mon installation a été « réquisitionnée » par les agents du nouveau Gouvernement.)

Voici un échantillon d’une de ces étranges conférences pédagogiques où se discutent les plus graves questions de discipline.

L’assemblée se compose du directeur, président, de son adjoint, de trois secrétaires, des professeurs, et d’une délégation du soviet des élèves, comprenant deux garçons et une jeune fille qui siègent à côté de la table au tapis vert, autour de laquelle sont assis les professeurs, pour contrôler toutes les décisions et en rendre compte à leurs camarades.

Une élève, d’origine prolétarienne, s’était permis deux fois de suite des réponses grossières, véritables provocations à l’adresse de son professeur, ancien avocat, qui faisait au lycée le cours de droit. La femme de celui-ci, personne très estimée, docteur en médecine, chargée du cours d’anatomie, avait subi des avanies semblables de la même élève, qui la haïssait, lui trouvant, à son gré, un air trop aristocratique. C’est sur ce cas d’indiscipline aggravé par la récidive que s’ouvre une longue discussion.

Le directeur, gêné par la présence de la jeune délégation, n’ose pas sévir ; le débat traîne sans aboutir. Le professeur de