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tout sentiment honnête a disparu ; elle est contaminée par le mensonge, l’espionnage, la délation pour le lucre.

La religion était, chez les Russes, un besoin individuel et social. Elevés, jusqu’en 1917, dans le respect du culte ancestral, ils ne peuvent pas tous se résigner à s’en passer. Nombreux sont, parmi eux, ceux qui éprouvent encore le besoin de lire l’Evangile, qui les réconforte dans leur pénible existence. Mais les autorités bolchévistes ne permettent pas cette lecture aux écoliers, qu’elles entendent modeler à leur façon.

J’en ai vu un exemple à l’Institut Saint-Isidore, transformé en école prolétarienne. Une jeune fille noble, Mlle Marie de R., dont le père, officier supérieur, avait trouvé une mort glorieuse à l’assaut de Przemysl, et dont la mère était morte de souffrances et de chagrin, avait découvert, dans un tas de bouquins mis au rebut, un Nouveau Testament et l’avait emporté au dortoir en cachette pour calmer sa jeune âme par la lecture des paroles du Christ. Elle fut punie cruellement, consignée et privée de nourriture : cela à une époque où les élèves ne recevaient déjà que la ration de famine. Elle était déjà faible de santé : elle tomba malade et mourut au bout de peu de jours. Quant à la sous-maitresse, responsable de la discipline du dortoir, elle fut révoquée. C’est ainsi que ce régime odieux exerce sa tyrannie, jusque sur la pensée et les sentiments intimes des enfants forcés de subir son enseignement.

Il y avait, dans cet ancien séminaire, une grande chapelle. On l’avait transformée en salle de foot-ball, se contentant de recouvrir l’iconostase d’une grosse toile sur laquelle les élèves faisaient rebondir leurs ballons, sans souci des riches icônes qui s’abritaient derrière elle.


Pour donner une idée exacte de la nouvelle pédagogie, je ne puis mieux faire que d’indiquer ici quelques-unes des décisions qui furent prises en ma présence à la première conférence des professeurs au début de l’année scolaire.

Tous les élèves, garçons et filles, mélangés sur les mêmes bancs, recevront un enseignement uniforme.

Adoption de la nouvelle orthographe.

Le système de notes est changé. Au lieu de notes graduées selon le mérite, on n’a plus à choisir qu’entre deux notes ;