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vécue dans ce même pays sous le régime soviétique. La vieillesse, je l’ai vue disparaître à la fin de 1917 ; j’ai vu, dans les rues de Pétrograde, les vieux fonctionnaires, les vieux généraux, les prêtres, entraînés, les mains attachées. La jeunesse nouvelle, j’ai vu son aurore, quelle aurore !

Je connaissais cette jeunesse russe depuis mes débuts de professeur dans ce pays jadis riche, hospitalier. Elle était pleine d’enthousiasme pour la France et la civilisation moderne, avant l’arrivée de Lénine et Trotski, précurseurs de l’écroulement général. J’avais fréquenté les établissements d’enseignement secondaire où régnaient une discipline et un ordre parfaits, où, à côté de la science, la religion occupait la première place, où la jeunesse avait un idéal. Le régime des Romanov a été coupable de beaucoup d’erreurs, de faiblesses et d’injustices ; tout le monde le sait. Mais le régime soviétique, qu’a-t-il fait de la jeunesse ? Il s’est attaché à détruire en elle tout ce qui pouvait subsister de l’ancienne formation, pour la couler dans son nouveau moule. Quel est le résultat ?

Dans le peuple, la jeunesse n’a plus qu’un but : le gain, pour manger d’abord, puis pour s’enrichir. Les enfants eux-mêmes, oui, les enfants sont occupés à trafiquer : ils ne jouent plus, ils achètent et ils vendent : ce sont de petits marchands opérant pour leur propre compte. J’en ai vu qui, du jour au lendemain, s’étaient faits brocanteurs, bouquinistes, marchands de chiffons ou de vieilles nippes, camelots, spéculateurs sous toutes les formes. J’en ai vu qui s’étaient enrichis, en peu de temps, par des moyens plus ou moins honnêtes : ils portaient des bagues en or avec brillants, tout en continuant leur trafic.

Les familles russes ont toutes de nombreux enfants, souvent une douzaine et plus. On voyait autrefois ces enfants jouer dans les vastes cours des maisons, car toutes les maisons de Pétrograde ont de vastes cours. Maintenant ces cours sont vides et silencieuses : les enfants, sauf les tout petits, sont partis trafiquer au coin des rues ou sur les marchés.

Les chefs du mouvement bolchéviste sont presque tous juifs ; aussi, la haine religieuse se mêle à toutes leurs actions. Ils se sont attaqués à la religion chrétienne afin de pouvoir plus aisément façonner à leur gré la jeunesse, car c’est sur la jeunesse qu’ils s’appuient. Il en résulte que, parmi cette jeunesse bolchévisée,