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avec trop de facilité à ce mélange, dont le danger est évident. J’en ai vu des exemples qui ne sont que trop probants, dans la classe dite pédagogique, celle qui termine l’enseignement secondaire.

Une des élèves, qui se faisait surtout remarquer par sa paresse et la liberté de ses allures avec les jeunes gens, manquait souvent les classes pour cause d’indisposition ; elle finit par ne plus venir. A la conférence des professeurs, j’appris qu’elle était enceinte ; et, comme elle était interne, le directeur nous informa qu’il l’avait consignée à l’hôpital situé dans une aile de l’institut, en donnant pour prétexte qu’elle était atteinte d’une maladie contagieuse. Mais cette ruse administrative était bien inutile, car la jeune imprudente ne se faisait pas faute de se montrer dans les corridors où elle rencontrait ses compagnes.

Cette même année, j’ai eu connaissance de plusieurs autres cas semblables, que j’aurais ignorés si je n’avais pas été dans l’établissement, car l’administration les cachait soigneusement, et les journaux n’osaient pas en parler.

Le lecteur peut s’étonner de la divergence des récits et appréciations rapportés de Russie par divers témoins depuis la guerre. Un peu de réflexion lui fera comprendre pourquoi les uns, délégués à titres divers, ou envoyés spéciaux de journaux, et connus comme tels dès leur arrivée, n’ont vu que ce qu’on leur a laissé voir ; tandis que les autres, installés depuis longtemps dans le pays, mêlés à sa vie par profession, ont pu voir chaque jour, pendant des mois et des années, ce que ne pouvaient voir en quelques semaines des informateurs de passage, parfois guidés par l’esprit de parti. De telles visites rappellent un peu trop celle du Revisor de l’illustre Gogol.

Pour moi, ce que je raconte, je l’ai vu, dans l’exercice de mes fonctions. Je n’ai pas, comme certains délégués trop connus, demandé qu’on me fasse visiter des lycées pour en rendre compte à tel parti ou comité ; j’étais déjà dans la place : en 1917, j’étais attachée à un lycée, et je faisais aussi des cours dans deux autres ; rien ne pouvait m’échapper.


LE VOILÀ L’ENSEIGNEMENT UNIQUE

Si je jette un regard en arrière, je me rappelle la première année vécue par moi dans la Russie des Romanov, puis la dernière,