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ami, il ne faut plus nous quitter. L’infirmerie est assez grande pour vous loger tous les deux avec votre Dauphin et ma pauvre femme. Je vous embrasse tendrement. »

Tous les arrangements pris, et particulièrement celui qui permettrait à Hortense Allart d’être aussi à Paris vers la mi-juin, M. le vicomte de Chateaubriand, beaucoup plus tôt qu’il ne l’avait pensé, dès le lendemain soir 16 mai, quitta son ambassade. Il comptait la venir retrouver après quelques mois, au milieu de l’été. On sait comme, au mois d’août, fidèle à l’honneur politique, il démissionna noblement de sa charge, pour ne point servir le ministère Polignac, et pour éviter de collaborer au malheur de la France.


Depuis l’année 1826, où la publication de ses Œuvres complètes lui avait rendu quelque indépendance, il avait échappé à peu près aux ennuis financiers ; cette démission héroïque l’y allait replonger. De Rome, il ne rapportait que des dettes ; il s’y était installé fastueusement pour plusieurs années ; non moins fastueusement il avait hébergé, pendant le Conclave, les cardinaux français, leurs secrétaires, leurs domestiques ; il avait payé jusqu’aux notes de leurs tailleurs et de leurs voituriers. Au service du Roi, il avait hypothéqué ses appointements d’ambassadeur pour un an, pour plusieurs années peut-être.

Quelques mois encore, et la faillite de son éditeur Ladvocat l’allait priver du bénéfice légitime et régulier promis par la vente de ses Œuvres complètes ; et la révolution de 1830, en l’obligeant à se dépouiller par honneur de toutes ses dignités, même de son titre de pair que l’orage de 1817 ne lui avait pas enlevé, l’allait laisser « nu comme un petit saint Jean… »

Pour réparer les funestes conséquences de tant de catastrophes, le secours de son « ministre des Finances » lui eût été bien nécessaire. Mais, par une cruauté du destin qui semble annoncer toutes les autres et, d’avance, les combler, son « ministre des Finances » lui manque juste au seuil du plus pressant besoin. Leur correspondance s’était inaugurée à Rome, en 1803, près du lit de mort de Pauline de Beaumont ; c’est à Rome, près de son tombeau, qu’elle se termine en 1829.

La « petite maison du jardinier » qu’il avait rêvé de faire aménager auprès de sa « chaumière » et de son « hermitage »