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m’enlever, si l’on peut, dans le moment, un succès incontestable à cause des suites qu’il pourrait avoir plus haut ? Il a donc fallu faire jouer toutes les batteries ; mais elles n’y feront rien, rien du tout. Je suis content, très content. J’ai lieu de l’être. J’attends le courrier qui m’apportera mon congé ; quand j’aurai ce congé, j’en ferai ce que je jugerai à propos d’en faire. Moi, ou ma femme, ou tous deux ensemble, nous vous embrasserons avant un mois : voilà ce qu’il y a de certain. Guérissez-vous bien surtout, et croyez à ma vieille et tendre amitié. Vos comptes sont toujours excellents.

« P. -S. — Tandis qu’on me fait parti, mécontent, etc. , je donne ici des fêtes où toute Rome assiste. »

Belle fête en effet que celle du lendemain où triompha, autour de la grande-duchesse Hélène, un essain de jolies femmes, parmi lesquelles brillait sans doute Hortense ! En les regardant, l’ambassadeur songeait avec ivresse à leur beauté ; avec rage à son « automne, » à son « monceau d’années ; » et puis, mêlant l’amour et la mort, il trouvait comme une consolation désespérée dans la méditation suivante : « Au bout de la route, elles tomberont dans ces sépulcres toujours ouverts ici, dans ces anciens sarcophages qui servent de bassins à des fontaines suspendues à des portiques ; elles iront augmenter tant de poussières légères et charmantes !... » Au bout de la route !... Songeait-il que lui-même touchait au terme de sa carrière politique ? et se pouvait-il douter que cette fête était la dernière où il lui serait donné de goûter réunies, les ivresses de l’amour, du luxe, de la puissance et de la gloire ?...

Mme de Chateaubriand, cependant, se refuse à retourner seule à Paris ; il faut donc l’accompagner. M. de Laval, au reste, vient d’être nommé ministre des Affaires étrangères ; le dernier fantôme d’espoir est évanoui. Chateaubriand annonce à M. Le Moine, redevenu, cette fois, son «vieil ami, » qu’il est tout près de fermer ses malles :


Rome, ce 15 mai 1829.

« Je me félicite, mon vieil ami, d’avoir usé de mon congé avec lenteur, et de n’être pas arrivé à Paris au milieu de la bagarre. Voilà assure-t-on, M. le duc de Laval nommé ; alors, rien ne s’oppose plus à mon retour ; il me reste encore quelques arrangements à prendre, et nous ne pourrons guère nous mettre en route que du 20 au 25 de ce mois. Mon cher et vieil