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peut rencontrer. Il assiste dans la chapelle Sixtine à l’office des Ténèbres, estime que « Rome est une belle chose pour tout oublier, mépriser tout et mourir ; » il prépare la grande fête qu’il doit donner le 29 avril en l’honneur de la grande-duchesse Hélène, belle-sœur de son ami le tsar Alexandre... Et il continue d’affirmer qu’il se prépare à partir ;


Rome, 16 avril.

« Mon bon vieil ami, j’ai appris que vous aviez été malade. Vous ne sauriez croire combien j’ai été affligé. J’aurais voulu partir sur le champ pour aller vous soigner. Maudit soit l’éloignement ! Maudit soit ce ministre qui, en ne faisant pas votre affaire, vous a empêché de venir vivre près de moi !

« J’attends mon congé à la fin du mois. J’ai eu tous les succès possibles ; il est impossible qu’on ne consente pas à m’accorder un moment de repos. J’irai alors vous revoir, vous embrasser, et ce sera un des beaux jours de ma vie. »

Pâques est venu ; il ne dit pas : Je pars ; ni même : Je vais partir, mais, plus vaguement : Je partirai. Il a bien raison de dire qu’il a eu « tous les succès possibles. » Il les a eus, ou il va les avoir. Le 18 avril, le Samedi-Saint, il reçoit, en son cabinet, la visite de la jeune, jolie, insidieuse Hortense Allart, qui a vingt-huit ans, « un col de déesse [1], » peu de scrupules, et un évident désir de lui plaire. Il lui rendra visite, dès le lendemain, en plein après-midi du jour de Pâques.

En conséquence, il ne pense plus aussi vivement à quitter Rome ; il pense même que Mme de Chateaubriand pourrait bien retourner sans lui à Paris pour dénouer les embarras de l’Infirmerie. Il se persuade qu’il se nuirait, pour la politique, en affectant d’accourir chercher sa récompense... Bref, en cette fin d’avril, il est fort incertain ; la vérité, c’est que, grâce à la jolie Hortense, il ne s’ennuie plus du tout à Rome ; son état d’âme, un peu embarrassé, un peu embarrassant surtout, il le découvre à peu près à M. Le Moine :


Rome, 28 avril 1829.

« Quand cesserez-vous, mon bon M. Le Moine, de vous occuper de la Gazette et de toutes ses balivernes ? Ne croyez que moi ; lorsque vous n’aurez pas de lettre de moi, riez de tout ce que vous entendez dire. Ne voyez-vous pas qu’il s’agit de

  1. André Beaunier, Trois amies de Chateaubriand, p. 233 et suivantes.