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c’est de n’avoir pas quelqu’un à quereller ; à Paris, comme c’était une habitude journalière avec vous, cela me faisait faire la digestion : venez donc quand ce ne serait que pour me guérir. Après cela, en vous y prenant bien, vous verriez peut-être encore, sinon l’exaltation, au moins le couronnement du Pape, qui se fait plusieurs jours après ; puis, les fêtes, qui sont, dit-on, superbes. A l’avènement du pontife, on illumine trois jours, et les illuminations sont ici magnifiques.

« Vous aurez été bien affligé de la mort de notre excellent Pape. Pour moi, je ne m’en console pas, et j’en ai bien sujet par toute la bienveillance qu’il me portait, et l’attention qu’il avait pour M. de Chateaubriand. Vous savez que nous avons le pauvre petit chat qu’il aimait, mais qu’il faisait jeûner, car on ne connaissait de mets plus recherchés au Vatican que la morue et des haricots.

« Adieu, cher monsieur, ressouvenez-vous un peu plus des absents. »

Enfin, le 31 mars au soir, le nouveau Pape est élu, qui va s’appeler Grégoire XVI ; et peu importe qu’à la minute il ait choisi pour secrétaire d’Etat le cardinal Albani contre qui Chateaubriand a fait prononcer l’exclusive au nom de la France ; Chateaubriand ne l’en croit pas moins tout français ; il crie victoire, le soir même, à Mme Récamier, et puis, le surlendemain, à M. Le Moine :


Rome, ce 2 avril 1829.

« Je viens de remporter l’éclatante victoire que vous connaissez déjà J’ai fait nommer un Pape tout à moi, tout français, le Pape qui, sous le nom du cardinal Castiglioni, a répondu à mon discours dans le Conclave, en me donnant ces éloges que vous aurez vus dans les journaux. Les cardinaux français qui arrivèrent comme mes ennemis sont devenus mes amis, et ont voté à mon gré. Maintenant, je demande un congé, mais je ne m’en servirai qu’en temps utile, selon l’état des choses. Votre avis est fort bon, et je verrai venir. Je dicte, les pieds dans la moutarde, accablé de fatigue et de souffrances, cette lettre pour vous à Hyacinthe. Surtout guérissez-vous. »

Voilà donc Chateaubriand content de soi ; c’est le principal. L’accessoire, qui lui importerait un peu, serait qu’on ne fût point trop mécontent à Paris, et qu’on le fit ministre. En attendant, il s’enchante de Rome et de tous les charmes qu’il y