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Ce jeudi, 25 novembre.

« ... Pourvu que sœur Sophie rentre à l’infirmerie, tout ira bien, j’espère. Vous nous reverrez très certainement au printemps, et nous achèverons la réorganisation. Voilà enfin mes amis nommés au Conseil d’État et dans les préfectures : Dieu soit loué ! On m’a tenu parole ! Cela est rare dans ce siècle. Mais vous, n’obtenez-vous rien de Roy [1] ?... Je veux lui écrire : je ne mourrai content que quand vous le serez... »

La tristesse, cependant, revient, comme par vagues. Point d’autres distractions que le projet de monument à élever au peintre Poussin : que les promenades, ou parmi les ruines, qui, même sous les fleurs, parlent de la cruauté du temps, ou parmi les souvenirs, qui se transforment en regrets pour parler de vieillesse et de mort ; qu’une correspondance avec une certaine marquise de Vichet, qu’on croit jeune, et qui, de son château du Vivarais, écrit « ami chéri ; » ou que les grands ricevimenti diplomatiques, hantés « par tous les cardinaux de la terre. » Ah ! René, que les jours de cet hiver sont pesants à Rome ; et qu’ils seraient plus légers à Paris !

D’autant qu’à Paris une intrigue se prépare au cœur du ministère ; le ministre des Affaires étrangères, M. de la Ferronnays, est bien souffrant ; plusieurs fois déjà l’on a parlé de sa démission : quel sera son successeur ? Tout le parti libéral désire Chateaubriand ; des journaux ont imprimé son nom... Mais le moment venu, lorsqu’au 2 janvier 1829, M. de la Ferronnays, vaincu par le mal, eut enfin déposé son portefeuille, on s’est contenté de lui donner un successeur « intérimaire, » M. de Portalis, peu désigné pour diriger les grandes affaires... Chateaubriand se dépite ; il peut espérer cependant qu’on lui garde la place pour le printemps. La désire-t-il, au fond ? Il n’en sait rien ; sa grande lassitude le reprend : avec cela, depuis la mort de la sœur Reine, les affaires de l’Infirmerie vont au pis. Que de motifs de maudire Rome, et d’aspirer à Paris ! Mais Paris, sera-ce le repos, ou bien l’activité ? A M. Le Moine, Chateaubriand affirme qu’il n’a soif que de celui-là :

« Ne faites plus qu’un vœu pour moi, celui de mon prompt retour à l’Infirmerie, pour m’y ensevelir à jamais... Grand merci de l’article de la Gazette ; c’est un mensonge, ou une bêtise, voilà tout ! » (27 décembre 1828. )

  1. Le ministre des Finances, assez lié avec Chateaubriand.