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Mais hélas !... il y a bien des choses à dire là-dessus : mais ce n’est pas le moment ! »

Et, quelques heures plus tard, au moment de plier la lettre et de l’inclure en son diplomatique courrier. Chateaubriand, d’une haute écriture presque irritée, l’orne de ce rappel à l’ordre :

« P. -S. — Voilà la poste arrivée. Rien devons, ni de personne. Cela nous désole ! Tâchez donc de régulariser votre correspondance !... »

Un deuil de famille, cependant, était la seule cause du silence où le vieillard un instant s’était enfermé. Nouvelle occasion, pour Chateaubriand, de lui envoyer des paroles affectueuses, et d’évoquer l’oasis de la rue d’Enfer :


Rome, 28 octobre 1828.

« J’ai appris, mon vieil ami, la mort de votre beau-fils, et la peine que cette mort vous a faite. Venez nous trouver ; nous tâcherons de vous consoler ; ou plutôt, faites, que nous rentrions bien vite dans notre solitude de l’Infirmerie. C’est là qu’il nous faut achever nos vieux jours ensemble. Je vous bâtirai pour vous et Adélaïde [1], un joli petit appartement dans la maison du jardinier, au bas du jardin. Je suis si las de courir le monde que si on ne me rappelle pas, bientôt, je reviendrai moi-même au gite... »

Il est las, bien las, si las !... Bientôt, cependant, comme il l’écrit dans ses Mémoires, « il reprend au soleil et aux fleurs ; peu à peu la fièvre des ruines le gagne et il finit, comme mille autres voyageurs, par adorer ce qui l’avait laissé froid d’abord... » Novembre le trouve plus en train et même en train de politique : il commence de rédiger un grand mémoire sur la question d’Orient et ses répercussions possibles sur le Rhin. Mais, hélas ! de mauvaises nouvelles surviennent de Paris : la sœur Reine, la supérieure de l’Infirmerie, est mourante ; une ou deux sœurs menacent de quitter la maison : que de soucis ménagers, et qui ne vont point adoucir le caractère de l’ambassadrice !


Rome, ce 8 novembre 1828.

« Continuez de m’écrire ; vos joies et vos peines me plaisent également. Votre compte est très exact ; et je vous continue votre portefeuille des finances.

  1. La servante de M. Le Moine, semble-t-il.