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depuis le XVIIIe siècle, et quelques affleurements de surface étaient exploités pour le compte des princes de Nassau-Sarrebruck ; à l’époque de la Révolution, ils produisaient annuellement 50 000 tonnes. Napoléon donna des instructions formelles pour l’exploitation des mines existantes et décida d’entreprendre la prospection méthodique du bassin. Nos meilleurs mineurs d’alors furent envoyés en Sarre et parmi eux les ingénieurs Duhamel, Beaunier et Calmelet. Ces trois hommes explorèrent et prospectèrent scientifiquement le Bassin, puis réunirent en un atlas minier, resté célèbre, les résultats de leurs études. Napoléon fit plus ; il fonda à Geislautern une école des Mines ; puis il vint lui-même se rendre compte de l’avancement des travaux, auxquels il s’intéressa toujours personnellement. Les résultats de ses efforts ne se firent pas attendre. En quelques années, la production des mines atteignit 150 000 tonnes.

La France ne devait pas recueillir ces fruits. Bien que ces régions eussent fait partie de l’ancien royaume de France, et bien que le Traité de Paris les eût maintenues françaises, les traités de 1815 les attribuèrent à la Prusse. Celle-ci convoitait les richesses naturelles dont les études de nos ingénieurs avaient révélé l’étendue et favorisé l’exploitation. Elle les prit, exigea de la France la remise des plans et graphiques dressés par Beaunier et Calmelet, et décida de mettre les mines en valeur pour son propre compte. Pendant les cent années qui suivirent, le travail des ingénieurs français devait être la base de l’exploitation des mines fiscales de la Sarre.


Dès l’armistice du 11 novembre 1918, il était entendu qu’en compensation de la destruction des mines du Nord, les mines fiscales prussiennes et bavaroises des territoires de la Sarre devaient être cédées à la France. Aussi, dès l’arrivée de nos troupes à Sarrebruck, un service de contrôle des mines fut créé et un certain nombre d’ingénieurs, encore mobilisés pour la plupart, furent-ils délégués dans les différentes fosses. La mission de ces ingénieurs était particulièrement délicate. Ils devaient, d’une part, surveiller et contrôler l’exploitation des mines par les ingénieurs allemands ; ils avaient, d’autre part, la mission encore tacite de se familiariser avec les fosses, et de préparer sans à-coups la transmission de pouvoirs que nous