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Lohengrin sur le théâtre de Bade, mais j’ai été averti trop tard pour pouvoir prendre le chemin de fer.

Pourquoi un article sur Wagner vous embarrasse-t-il ? Toute la question pour vous est de savoir : 1o si l’article est intéressant ou non ; 2o si l’auteur vous présente quelques garanties de bon sens et de bon goût ; controversé, nié à outrance, applaudi fanatiquement, Wagner se trouve aujourd’hui une personnalité des plus importantes. Vous sentez bien qu’un homme qui partage à ce point, non pas le gros public, s’il vous plaît, mais ce qui est bien plus considérable, les gens du métier eux-mêmes, c’est-à-dire les musiciens, plus le public des dilettantes et des mondains qui ont une admiration musicale sérieuse, ne peut pas être un homme sans valeur.

J’ai entendu environ quinze grands morceaux de Wagner, qui sont presque tous malheureusement d’un caractère symphonique, ouvertures, préludes, chœurs, marches plus (un) ou deux lieds. Ce que je puis dire, c’est que ces morceaux m’ont plu extrêmement, sans me procurer aucune sensation inattendue. Wagner me semble en musique un coloriste excellent, il indique parfaitement aux yeux sous sa couleur propre le spectacle qu’il s’agit de rendre sensible. L’ouverture du Vaisseau Fantôme est sous ce rapport un chef-d’œuvre. J’en dirai autant du prélude de Lohengrin. L’esprit des deux légendes est exprimé avec une netteté, une précision, une absence de vague (je souligne le mot à dessein) qui ne laissent rien à désirer. Ce sont les deux légendes mêmes, et non deux auteurs de nature semblable.

Quant au succès des opéras de Wagner en Allemagne, tenez pour certain qu’il en est trois qui sont acceptés sans résistance aucune, acceptés comme Robert le Diable, les Huguenots ou le Prophète chez nous, le Tannhaüser, le Lohengrin, le Vaisseau Fantôme, mais il semble bien que les Allemands eux-mêmes n’ont pas suivi Wagner dans ceux de ses opéras plus récents où il a poussé son système à outrance, Tristan et Iseult et les Niebelungen.

« Ce système, vous le savez, c’est celui de Glück, ni plus ni moins, en sorte que beaucoup de ceux qui crient et crachent contre Wagner, crient et crachent contre le grand Glück, lui-même. Moi qui n’ai envie de crier ni de cracher contre l’un ou l’autre, je déclare que le système de musique dramatique de