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il a déjà montré quelques bizarreries, on a cru qu’il s’était tué[1], »

Au début des événements de 1870 qui frappèrent Montégut au cœur, cette phrase se retrouve presque identique sous la plume de Victor Cherbuliez : « … Et pourtant que de coups frappés autour de vous ! Ce pauvre Montégut[2]… » Encore une fois on le croyait mort, mais François Buloz rassure Cherbuliez : « Nous avons reçu une lettre de Montégut qui, heureusement, n’est ni mort, ni fou ; il s’est tout simplement réfugié à Limoges dans son pays[3] ».

J’ai entre les mains quelques autres lettres de notre critique ; l’une d’elles, qui est assez curieuse, encourage François Buloz, visiblement inquiet, à publier prochainement un article d’ensemble sur l’œuvre de Richard Wagner. Je m’imagine que le directeur de la Revue s’interrogeait : Scudo, son critique musical, avait été sévère jadis pour le musicien allemand. En 1860, parlant de Tristan et Iseult, Scudo écrivait : « Le compositeur a certainement dépassé tout ce que l’on peut imaginer en fait de confusion, de désordre et d’impuissance, on dirait une gageure contre le sens commun et les plus simples exigences de l’oreille[4]. « Mais neuf ans plus tard, Wagner[5] s’est imposé, on l’a acclamé à Dresde et à Berlin, discuté à Paris… il est l’auteur de Rienzi, du Vaisseau Fantôme, de Tannhaüser et de Lohengrin, n’importe, il semble que le sujet soit brûlant encore — pour la Revue ? — non ; n’est-elle pas une tribune libre ? Mais quel effet fera ici la louange de M. Schuré ? Car c’est M. Schuré qui est chargé de parler de Wagner. Voici l’avis d’Émile Montégut à cette époque (1869) sur Richard Wagner.


« Cher monsieur.

Je n’ai pas entendu les opéras de Wagner, à mon très grand regret. La dernière fois que j’étais en Allemagne on a joué

  1. Charles Baudelaire, Lettres, 1841-1866. Société du Mercure de France, p. 397.
  2. Marie-Louise Pailleron, La Revue des Deux Mondes en 1870-1871, 1er mars 1910.
  3. Ibid.
  4. Scudo. Revue musicale, Les Écrits et la musique de M. Richard Wagner, 1er mars 1860.
  5. L’article dont il est question plus bas a été en effet écrit par M. Édouard Schuré : Le Drame musical et l’œuvre de M. Richard Wagner, 15 avril 1869.