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j’ai passées à Paris, je lui ai dépensé beaucoup d’argent… . »

Enfin, Émile Montégut, voulant quitter la campagne où il se trouve momentanément, demande une avance sur des manuscrits : un article « Carlyle » qui paraîtra prochainement à la Revue, et deux lettres sur la province qu’il ne signera pas… « Croyez que je suis désolé d’être obligé de vous faire cette demande, moi qui ai toujours vécu dans l’aisance, et même dans le luxe. Je me vois obligé de m’imposer bien des privations, tout cela parce que les radicaux se sont avisés de vouloir devenir ministres et sous-préfets, et le sont devenus sans y songer… Béni soit ce parti des radicaux bien nommé en vérité, car lorsqu’ils sont au pouvoir, ils vous font manger de l’herbe par la racine[1]. »

Émile Montégut, qui débuta à la Revue par une étude sur Carlyle, sa vie et ses écrits, fut envoyé en 1852 à Londres par François Buloz pour voir l’historien, et s’entretenir avec lui de son John Sterling.

Thomas Carlyle était à cette heure un grand homme, et après l’avoir ignoré longtemps, l’Angleterre lui rendait l’hommage qu’elle lui devait. Les articles de Montégut le portent aux nues : « Quant aux théories et aux idées de Carlyle, idéal réalisé, culte des héros, théorie du silence, identité de la puissance et du droit, explication de la Révolution française, nécessité des symboles, — nous avons dit ici même tout ce qu’on peut en dire. Nous avons dit tout ce qui faisait son originalité comme écrivain : l’amour de son temps, quelque déplaisant qu’il soit d’y vivre, et la mission qu’il s’est donnée de redresser partout les injustices, de relever les erreurs morales, les idées fausses, d’attaquer l’aveugle philanthropie, et le sec égoïsme de ses contemporains[2]… »

Ainsi parla Montégut ; il connaissait le penseur, l’historien, l’écrivain, il ne connaissait pas l’homme. En 1881, Thomas Carlyle mourut, et un de ses compatriotes[3] publia ses papiers intimes et ceux de sa femme. Mme Arvède Barine[4], jadis dans la Revue révéla à ses lecteurs ce que les papiers de Carlyle révélèrent au

  1. 1848. Inédite.
  2. Émile Montégut, Thomas Carlyle et John Sterling. Voyez la Revue du 1er’juillet 1852.
  3. James-Anthony Froude.
  4. Arvède Barine, La Femme d’un grand homme, Mme Carlyle. Revue des Deux Mondes du 15 octobre 1884.