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la mauvaise volonté, la pesanteur, les incertitudes de toutes sortes d’une armée dont nous sommes obligés de prendre tour à tour tous les travaux. Si jamais, ce dont Dieu me garde, j’avais à soutenir des discussions contre des doctrinaires, je saurais que dire sur l’Anglomanie. La France est bien à coup sûr, la première des nations. Que la Providence la maintienne dans la vie militaire qui est sa vraie vie et cela, il me semble, au contentement de tous les partis[1]. »

Il serait intéressant d’étudier de plus près la jeunesse et les antécédents de ce littérateur soldat La grand-mère de Paul de Molènes vécut à Paris pendant la Révolution. La salle du Jeu de Paume lui appartenait, de moitié avec Talma ; tous deux louèrent ce local à l’Assemblée. Mme de Molènes, fort bien renseignée, étant sur le théâtre même des événements, les contait fidèlement à sa famille, domiciliée à Domme dans le Périgord ; elle ne signait pas ses lettres de peur de quelque indiscrétion. Lorsque la Révolution devint terroriste, force lui fut d’arrêter sa correspondance ; elle recommanda alors à sa famille de se tenir au courant de la politique en lisant exactement la petite feuille qui en était chaque jour l’écho ; or cette petite feuille née quelques années auparavant, c’est le Journal des Débats[2].


EMILE MONTÉGUT

À la Revue, la place de Sainte-Beuve était vide depuis 1849 ; un jeune critique s’y glissa : ce fut Émile Montégut.

Aujourd’hui encore, par une injustice cruelle qui s’attache à certains modestes pendant la vie et au delà de la mort, le nom d’Émile Montégut est ignoré du plus grand nombre, malgré son œuvre considérable, malgré sa personnalité. Pourtant : « quel prodigieux bouillonnement d’idées dans ce cerveau qui projeta sa curiosité sur le champ des connaissances humaines[3] ! »

Émile Montégut en effet a remué et fouillé toutes les idées de son temps, il s’y est passionné ; sa curiosité toujours renaissante, son ardeur ont multiplié des recherches nouvelles alors,

  1. 16 mai 1855, inédite.
  2. Fondé en 1788.
  3. Émile Montégut. Eugène Melchior de Vogüé. Le Figaro, 20 décembre 1895.