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décerné en 48… Il écrivait après une désillusion de ce genre à François Buloz : « La vie militaire a quelquefois des amertûmes comme la vie littéraire. Deux propositions pour services rendus en campagne n’ont pu me faire donner cette année le grade modeste que j’ambitionne. Le gouverneur, qui m’a vu au feu il y a peu de temps, a été plus chagrin que moi du mécompte qui m’a été apporté par la dernière promotion. J’ai eu un peu de tristesse et me voilà remis ; je ne compte pas quitter l’Afrique, quoique maintenant ce ne soit peut-être plus le meilleur terrain pour l’avancement, mais avec l’élévation de votre cœur, mon cher ami, vous comprenez tout ce qui m’attache à ce pays. »

C’est d’Afrique que Molènes envoya à François Buloz une de ses meilleures œuvres : La garde mobile. Souvenirs des premiers temps de la révolution de février, œuvre dont l’auteur déclarait que : « le fond y était de nature à faire valoir toutes les formes, même les plus défectueuses ; je crois que ces pages, où il n’y a ni une pensée ni un sentiment, ni une peinture qui ne soient vraies et sorties des lieux où j’ai pris plaisir à les écrire, donneront au public un de ses rares mouvements de bienveillance[1]. »

Tout en recommandant ses articles au directeur de la Revue, Molènes les traite, en somme, légèrement, lorsqu’il écrit : « Il n’y a que ma peau et mes os dont je me soucie encore moins que de mes œuvres[2]. »

Dans l’une de ses lettres, l’auteur se montre plein de mystère ; il annonce une « esquisse » comme sa Cornelia Tulipiani[3]. Sa lettre n’est pas datée ; d’ailleurs, il date peu. « Les modèles ont posé autrefois devant mes yeux et se sont représentés vivement dans ma solitude. L’accident arrivé à la princesse Belgio… m’avait fait différer cet envoi ; on m’écrit maintenant qu’elle est tout à fait rétablie, et puis j’ai d’ailleurs la conscience de n’avoir pris que des traits appartenant à tous. Dans ceci, comme dans tout ce que j’ai fait jusqu’à présent, il n’y a certes pas la moindre indiscrétion. Enfin, j’ai eu la galanterie de faire mon héroïne très belle, ce qui achève de me mettre à l’aise[4]. »

  1. Inédite, 1849.
  2. Inédite, 30 août 1852.
  3. Voyez la Revue du 1er avril 1852.
  4. Inédite.