Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/611

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Laissez donc grandir quelque jeune flamme,
Allumant pour vous ses vagues rayons,
Laissez-lui toucher plumes et crayons ;
L’esprit, vous verrez, fait du jour à l’âme.
Quand vous aimerez,
Vous nous comprendrez !


Sainte-Beuve, qui cite le premier et le dernier vers de la poésie, conclut : « Les plus tendres ont de ces fins aiguillons et le petit monsieur a eu sur les doigts de ces coups d’ailes. Voyez cela, madame, c’est pour vous venger[1]. »

Voici la lettre de Molènes à François Buloz dans laquelle il semble répondre à une prévention du directeur de la Revue.


« Mon cher Buloz,

« Quoi que vous en disiez, je dis et, je l’espère, j’écris fort bien. J’ai sur Phèdre beaucoup d’idées et florescentes qui tiennent à des études récentes et passionnées. Je crois que je sens d’une façon particulière et presque nouvelle à force d’être vive l’œuvre du poète et le talent de la tragédienne. Je vous demande de me laisser entièrement me livrer à mes impressions. M. Magnin dont vous me proposez l’exemple est un homme que je prise beaucoup ainsi que je l’ai récemment prouvé, mais cependant sa critique est un degré qui mène à la critique de Patin. Permettez donc que je ne m’en préoccupe pas. Vous avez bien tort de mêler toujours à ce qui concerne Mlle Rachel le souvenir des passions castillanes de M. de Musset, et des mystérieuses hystéries de notre ami Bonnaire. Je vous assure que je suis vis-à-vis de la diva parfaitement libre d’esprit et de cœur, prêt à parler seulement sur elle comme sur tous les hommes et sur toutes les choses que je traite, en artiste et en homme du monde.

« Tâchez de me répondre quelque chose d’aimable et de bien tourné et croyez-moi votre tout dévoué. »

MOLÈNES[2].


Paul de Molènes regagna ses galons au feu, mais il les regagna lentement, et il dut subir bien des mécomptes avant de reprendre ce grade de capitaine que ses hommes lui avaient

  1. Sainte-Beuve, Correspondance avec M. et Mme Juste Olivier, p. 315.
  2. Inédite. Probablement 3 janvier 1843.