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sur les femmes ?[1] » Les pages se succèdent sur ce ton. Je ne retiens dans les mauvaises critiques de Paul de Molènes à l’égard de Marceline, que son accusation d’imiter Lamartine, alors que les premières poésies de Marceline sont de 1818 et de 1820 à l’heure même des premières Méditations[2]. !

Donc après l’algarade de Molènes, Sainte-Beuve signale aux Juste Olivier la réponse de la douce Marceline. « Mme Desbordes-Valmore vient de publier un joli volume de poésie : Bouquets et prières… Elle répond joliment à ce petit fat, M. Gaston de Molènes[3], qui l’avait offensée dans la Revue des Deux Mondes et avait dénié aux femmes le droit d’écrire et de chanter. Voyez à la page 189. »

Voici la pièce :


Jeune homme irrité sur un banc d’école
Dont le cœur encor n’a chaud qu’au soleil,
Vous refusez donc l’encre et la parole
À celles qui font le foyer vermeil ?
Savant, mais aigri par vos lassitudes,
Un peu furieux de nos chants d’oiseaux,
Vous nous couronnez de railleurs roseaux !
Vous serez plus jeune après vos études :
Quand vous sourirez
Vous nous comprendrez.
Vous portez si haut la férule altière
Qu’un géant plirait sous son docte poids.
Vous faites baisser notre humble paupière
Et nous flagellez à briser nos doigts.
Où prenez-vous donc de si dures armes ?
Qu’ils étaient méchants vos maîtres latins !
Mais l’amour viendra : roi de vos destins,
Il vous changera par beaucoup de larmes :
Quand vous pleurerez
Vous nous comprendrez.
Ce beau rêve à deux, vous voudrez l’écrire.
On est éloquent dès qu’on aime bien
Mais si vous aimez qui ne sait pas lire
L’amante à l’amant ne répondra rien.

  1. Voyez cet article Les Femmes poètes, dans la Revue du 1er juillet 1842.
  2. V. Notice de Sainte-Beuve aux Poésies de Mlle Desbordes-Valmore, 1842. Charpentier, id. p. V.
  3. De Molènes signa un moment Gaston de Molènes, ce qui explique l’erreur de Sainte-Beuve.