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M. et Mme Juste Olivier. De fait l’impertinence de Paul de Molènes est extrême. Pauvres Muses ! comme il les houspille ! Rien ne marque mieux les mœurs de son temps que les raisons naïvement prud’hommesques que fait valoir le critique pour défendre aux femmes « l’entrée du Parnasse ; » ainsi il ne craint pas d’écrire : « Je le déclare, une femme qui porte le casque en tête et l’épée au côté, qui éperonne un cheval, assène des coups, fait des blessures et rêve la parure d’une cicatrice au front, une femme qui entreprend une lutte violente contre tous les instincts de son corps, me paraît un être moins chimérique et moins monstrueux qu’une femme qui interroge toutes les profondeurs de l’âme, sonde la douteur, pénètre les tristesses, descend aux sources des vices, se résout enfin à connaître tous les mystères… » Pour Molènes, les poètes sont des « conquérants aux insatiables désirs » qui ont « besoin d’une effrayante puissance, pour subir l’isolement d’une ardente destinée. Rois d’un empire qui ne se transmet pas, ils meurent sans laisser d’héritiers. » Voilà pour les hommes poètes ; mais : « Supposez une femme qu’un funeste caprice du ciel ait faite poète, vraiment poète, sa vie se passera tout entière en dehors des lois de l’humanité. Elle cherchera dans le mariage la liberté ; l’obscur et paisible royaume qu’un honnête homme lui confie ne lui convient pas, il lui en faut un qui n’ait pas de limite. »

Après ce sombre aperçu, notre critique s’occupera plus spécialement de ses amazones ; et tout d’abord les idylles de Mme Desbordes-Valmore lui déplaisent : elle n’a (dit-il) « ni la tradition du poète de l’Astrée, ni le génie de Gessner et d’André Chénier… Ce qui éleva le poète français à la prodigieuse hauteur où il s’est placé, c’est, après l’énergie de son âme, une solidité d’instruction qu’en sa qualité de femme, elle est bien excusable de n’avoir pas ambitionnée… » Molènes ne trouve aucun intérêt non plus aux élégies de Marceline, ou du moins l’intérêt que présentent « toutes les lettres amoureuses, intérêt très puissant pour ceux qui les ont écrites ou ceux à qui elles sont adressées, » mais… très faible pour les autres. « Maigres et allongés, les amours de Parny sont devenus des archanges ; » en outre, Marceline imite Alphonse de Lamartine et, c’est clair, elle l’imite parce qu’il est à la mode. « Sur qui la crainte de ne pas être à la mode pourrait-elle exercer plus d’empire que