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Le veux-tu ? Réponds. — Oui ! criai-je. Et je sentis
Que la création tremblait comme une toile.
Alors, levant un bras, et, d’un pan de son voile,
Couvrant tous les objets terrestres disparus,
Il me toucha le front du doigt.
Et je mourus


La Fin de Satan traduit à plusieurs reprises l’épouvante qu’éprouvait Victor Hugo, devant les tables :


O penseurs, prenez garde !...
Courbez-vous. L’adoré doit rester l’inconnu.
Toutes les fois qu’un homme, un esprit, est venu
L’approcher de trop près, et s’est, opiniâtre,
Mis à souffler sur lui comme on souffle sur l’âtre,
Il a frappé. Malheur aux obstinés qui vont
Faire une fouille sombre en cet être profond !
La Fin de Satan. Le Gibet.


Dans cette même Fin de Satan, la sibylle d’Achlab parle comme l’Ombre du Sépulcre et lui emprunte ses expressions ;


Tu viens escalader avec effraction
Le mystère, le jour, la nuit, la vision.
L’infini ! Tu commets un attentat nocturne
Sur la virginité du tombeau taciturne !
Tu lèves ce couvercle, ô mage audacieux !
Que fais-tu là rôdeur des barrières des cieux ?
Tu viens, furtif, armé de ta vanité sombre,
Forcer l’éternité ! tu viens crocheter l’ombre !...


Ce n’est pas impunément que Victor Hugo écrit ainsi pendant deux ans sous l’influence directe du spiritisme : la marque est indélébile. Elle se retrouvera partout chaque fois que Victor Hugo abordera les graves sujets sur lesquels il a consulté ses tables. Dans la Légende des Siècles, les conceptions cosmogoniques et philosophiques du Satyre sont celles de la Bouche d’Ombre, d’Horreur et de Pleurs dans la nuit exposées dans les Contemplations, c’est-à-dire celles-là mêmes qui ont été parlées par les tables. Abîme procède de la vision terrifiante de : A la fenêtre pendant la nuit, de ce spectacle


Des astres éperdus arrivant de l’abîme,