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Il est plus précis encore dans le poème d’Horror (17 janvier 1855). Marine-Terrace lui paraît devenu le seuil privilégié où monte l’Esprit : il décrit le fantôme, l’apostrophe et converse avec lui :


Esprit mystérieux qui, le doigt sur ta bouche,
Passes... ne t’en vas pas ! par le à l’homme farouche
Ivre d’ombre et d’immensité,
Parle-moi, toi, front blanc qui dans ma nuit te penches !
Réponds-moi, toi qui luis et marches sous les branches
Comme un souffle de la clarté !

Est-ce toi que chez moi minuit parfois apporte ?
Est-ce toi qui heurtais l’autre nuit à ma porte,
Pendant que je ne dormais pas ?
C’est donc vers moi que vient lentement ta lumière ?
La pierre de mon seuil peut-être est la première
Des sombres marches du trépas.

Peut-être qu’à ma porte ouvrant sur l’ombre immense,
L’invisible escalier des ténèbres commence ;
Peut-être, ô pâles échappés,
Quand vous montez du fond de l’horreur sépulcrale,
O morts, quand vous sortez de la froide spirale,
Est-ce chez moi que vous frappez !

Car la maison d’exil, mêlée aux catacombes,
Est adossée aux murs de la ville des tombes.


Les premières pages de Dieu contiennent : elles aussi, un aveu significatif :


... C’est de là que vient cette auguste puissance
Faite d’immensité, d’épouvante, d’essence.
Qu’a le poète saint et qu’on sent dans ses vers.
Les prodiges au fond du mystère entr’ouverts
Mêlent leur rayon fauve à son âme, élargie
Presque jusqu’à l’horreur et jusqu’à la magie ;
Et parfois il côtoie, ainsi qu’un noir plongeur,
Le cercle où de l’enfer commence la rougeur.


Tout le poème de Dieu a la forme d’une consultation d’esprits et le début est un procès-verbal de séance spirite mis en vers :


Et je vis apparaître une étrange figure...
Calme, il me regardait dans les brouillards funèbres.
Et je sentais en lui quelque chose d’humain.
— Qu’es-tu donc, toi qui viens me barrer le chemin,