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Que la table ait produit des pensées par des frappements ou que dans la suite, pour aller plus vite, on se soit servi d’une plaque d’osier tressé munie a son centre d’un crayon et sur laquelle on imposait les mains, peu importe ; l’extraordinaire n’est pas dans le mode d’écriture : le phénomène de l’écriture ordinaire qui matérialise la pensée, est en soi, lorsqu’on y songe, tout aussi mystérieux : le jeu compliqué des muscles de la main sous l’influence de l’idée pose à lui seul le problème insoluble des rapports de la matière et de l’esprit. Charles est à la table qu’il meut ou qu’il croit mouvoir : Charles est un médium excellent : autrement dit son cerveau est une sorte d’appareil récepteur de télégraphie sans fil qui est sensible aux moindres ondes. Les assistants jouent le rôle d’appareils émetteurs : les assistants sont Mme Hugo, Adèle Hugo, Vacquerie, quelquefois le libertaire hongrois Teleki, le général Le Flô, Jules Allix et parfois des Jersiais invités.

Faut-il croire qu’au milieu de cette assistance et dans l’état d’hyperesthésie cérébrale où entre le médium, Charles Hugo ait élucubré à lui seul tout ce qu’ont écrit les tables ? Les spirites, que les manifestations de Marine-Terrace troublent fort, se rangent volontiers à cette opinion. « Naïvement, dit M. Richet, nous croyons entendre les paroles d’un désincarné, quand de fait nous assistons aux agitations de la subconscience qui se groupent autour d’une personnalité fictive. » Il ne peut en effet échapper à M. Richet que les réponses des tables ont le ton hugolien. En faire endosser la responsabilité à Charles Hugo est un moyen commode d’écarter le phénomène scientifique de la transmission de pensée qui est au fond de toutes les séances spirites et qui explique tout sans mystère. Les spirites écartent donc ce phénomène. Car, en l’admettant, qui ne voit qu’il est très simple de substituer partout à la pensée de leurs désincarnés, celle d’un des assistants, qui inconsciemment fait vibrer les antennes du cerveau récepteur d’un médium ? C’est alors la négation du spiritisme. Or c’est ce qui se passait certainement à Jersey. Les preuves en sont multiples.

On distingue presque nettement dans ce que nous connaissons des procès-verbaux de Marine-Terrace, ce qui appartient au cerveau de Victor Hugo, à celui de Vacquerie, ou à celui d’un des assistants.

Une des constatations les plus convaincantes est celle-ci :