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la constance et l’espoir qu’il faut garder ; le langage le plus touchant et le plus paternel. Même pour la Semaine sainte, il n’a pas voulu quitter sa retraite ; à Saint-Pierre les offices sont célébrés dans une chapelle latérale, devant un public de touristes indifférents et bavards, au milieu desquels on voit quelques belles et pieuses figures de paysans romains. Les autres églises sont presque vides. Les offices sont irréguliers et médiocrement célébrés. Le peu de figures recueillies qu’on y voit sont du bas peuple. C’est là je crois, et parmi les magnifiques paysans cavaliers de la campagne qu’il faut chercher les vrais Romains ; on les dit fidèles au Pape. La population bien vêtue est généralement inférieure ; les cafés sont peuplés de gens comédiens, criards, gesticulant, vaniteux avant tout.

J’ai été chez Mgr de Mérode sans le trouver ; mais je l’ai vu chez les Corcelle, qui me comblent de bontés et m’ont invité à dîner tous les soirs. Je recherche surtout les peintures et je vous raconterai un jour mes enthousiasmes.

Adieu et mille fois merci, ma bien chère maman, je vous aime tendrement.


Chère maman.

Je suis retourné ce matin au Vatican. Vous n’imaginez pas les sentiments de respect et de fidélité qu’on éprouve, en entrant, de ce débris, si petit, mais si magnifique, des États du Pape. La colonnade est peuplée de sbires et de mouchards italiens. Mais au parvis de cette magnifique galerie en pente, en haut de laquelle je revois toujours l’évêque d’Orléans, on retrouve avec joie un poste de Suisses, vigoureux, la mine honnête, en costumes magnifiques. Puis, autre joie, plus vraie et moins instructive, on s’aperçoit que le souverain des âmes est resté maître et roi des chefs-d’œuvre de l’âme humaine, des fresques de Raphaël et de Michel-Ange, qui, certes, valent bien des lieues de pays. Quelle jouissance vous avez dû ressentir, chère maman, vous qui comprenez et savez si bien ce grand art de la peinture, devant l’Ecole d’Athènes ! Je ne veux pas essayer de vous dire ce que j’en pense. Mon avis, vous le savez, est que la parole, tout au plus bonne à expliquer nos pauvres raisonnements, sert de peu à nos sentiments, aux sentiments que nous apportent nos yeux, ravis de la lumière de Dieu, ou même des chefs-d’œuvre de l’homme. Mais je vous voudrais