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LETTRES DE JEUNESSE
1870-1874

Lorsque la guerre éclata, en août 1870, Denys Cochin n’avait pas dix-neuf ans. A La Roche, en Seine-et-Oise, où il se trouvait chez ses parents, vint à passer, musique en tête, un régiment de cavalerie en marche vers la frontière : aussitôt il sollicita de son père la permission de s’engager pour la durée de la guerre. Ses premières lettres sont datées de Vienne où se trouvait le dépôt du 8e régiment de lanciers.


Vienne, dimanche 28 août 1870.

Ma chère maman [1].

Je suis tout confus de penser que je ne vous ai pas écrit depuis huit jouis. Mais aussi quels huit jours j’ai passés ! Toujours la lance ou le sabre au poing, à pied ou à cheval. Je sais mon exercice sur le bout du doigt, grâce à l’obligeance du capitaine instructeur, qui m’a fait manœuvrer quatre fois par jour, avec le seul Montbel pour camarade, et un brigadier spécialement attaché à nous.

Je pense que vous avez été aussi heureuse de revoir papa, que j’ai été triste de le quitter. On n’a plus de sentiments médiocres à présent : on passe des moments bien rudes, et des moments de grande joie. Certes, depuis huit jours, j’ai éprouvé les uns et les autres.

Je ne sais pas encore la date exacte de mon départ, je pense

  1. Sauf indication contraire, toutes ces lettres sont adressées à M. et Mme Augustin Cochin.