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menées à bien dans l’intérêt de l’industrie, du commerce, de l’agriculture française ; mais le déficit de nos budgets n’en sera pas comblé, au contraire, puisqu’une partie des dépenses incombera à l’État français. Commencées dès 1919, les réparations en nature auraient pu avancer dans une large mesure l’œuvre des réparations ; elles ne peuvent plus offrir, en 1923, qu’une solution intéressante mais relativement secondaire de la question des réparations. Politiquement et économiquement, le problème reste intact.

M. Parmentier, directeur du mouvement des fonds au ministère des Finances, vient de partir pour les États-Unis. Il a précisément pour mission d’expliquer aux Américains l’intime connexion de la question des dettes interalliées et de celle des réparations. M. de Jouvenel a établi, à la tribune du Sénat, que si les États-Unis et l’Angleterre exigeaient dès maintenant le paiement des dettes que la France a contractées envers elles pour la commune victoire, les annuités exigibles équivaudraient à 1 657 millions de marks-or, tandis qu’elle ne recevrait de l’Allemagne, — à supposer que l’Allemagne payât, — que 4 560 millions, soit un déficit de 97 millions de marks-or (environ 300 millions de francs-papier). Ce serait la ruine. La France ne renie pas ses dettes envers ses alliés, mais elle est hors d’état, actuellement, de les payer, à moins qu’ils n’acceptent en paiement, ce qui serait de toute justice, une fraction de notre créance sur l’Allemagne.

M. Parmentier aura aussi l’occasion de combattre, aux États-Unis, l’opinion, répandue par la propagande allemande, que la France a un trop fort budget de la guerre, et que, si les Américains n’exigent pas sans délai tout leur dû, elle en profitera pour attaquer ses voisins et faire des conquêtes. On l’a tant répété que de bonnes gens ont fini par le croire ! C’est précisément pourquoi il semble inopportun de soulever la question du désarmement comme lord Robert Cecil vient de le faire à la Commission temporaire mixte des armements, réunie sous les auspices de la Société des Nations. Que la France paraisse seulement faire des objections, voilà un thème à de nouvelles variations gallophobes pour toute la presse socialiste, germanisante ou simplement naïve et mal éclairée ; qu’au contraire elle s’engage sur cette pente savonnée au bas de laquelle il y a l’invasion, c’est un encouragement pour l’Allemagne à ne pas payer et, pour tous les éléments de désordre, à ne pas désespérer. Le projet de lord Robert Cecil, en lui-même, reflète d’ailleurs les bonnes intentions de son auteur et le souci de justice qui l’anime ; il a soin