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chute du mark. Il y a un an, la livre sterling valait 280 marks ; elle en vaut aujourd’hui environ 1 800. Le problème des réparations ne s’en trouve pas simplifié. Mais la nécessité d’établir, sous les auspices de la Commission des réparations, un contrôle sur les finances de l’Allemagne apparaît plus urgente que jamais. Le comité des garanties qui s’est transporté à Berlin sous la présidence de M. le contrôleur général Mauclère y travaille activement et paraît jusqu’ici rencontrer quelque bonne volonté de la part des autorités allemandes. M. Walter Berry, dans son charmant et vigoureux discours au banquet de la Chambre de commerce américaine en l’honneur de l’ « Independence Day » (4 juillet) disait, entre autres vérités optimistes : « Une caisse de la dette à Berlin aurait vite fait de rétablir les bilans économiques truqués, de supprimer la planche à assignats, les dépenses dilapidantes, l’exportation des capitaux. Ce serait le premier pas vers la solution du problème, insoluble jusqu’ici, de la stabilité de l’Europe. » Mais n’est-il pas déjà trop tard ? La catastrophe du mark n’est-elle pas sans remède et ne va-t-elle pas à bref délai obliger les Alliés à des résolutions graves ? Le problème des réparations n’est pas franco-allemand ; il intéresse tous les États, même ceux qui furent neutres. L’égoïsme, en politique, est souvent la pire des fautes. Il faudra trouver une solution internationale dans l’esprit que nous essayions de définir il y a quinze jours.

En attendant, le Gouvernement français s’engage résolument dans la voie des réparations en nature : solution partielle, faute de mieux, dont l’application n’ira d’ailleurs pas sans difficultés. La commission inter-ministérielle présidée par M. Colrat, adoptant les projets de M. Le Trocquer, ministre des Travaux publics, a décidé d’entreprendre, avec le concours de la main-d’œuvre et du matériel allemands, cinq grands travaux : aménagement du Rhône, de la Dordogne moyenne, de la Truyère, tunnel de Saint-Maurice à Wesserling dans les Vosges, canal du Nord-Est joignant la Sarre, la Moselle, la Meuse et l’Escaut. Ces travaux représentent ensemble une dépense de 4 milliards 824 millions ; le plus considérable, l’aménagement du Rhône, durera dix ans avec 12 000 ouvriers allemands. Des précautions seront prises pour que les Allemands soient aussi peu que possible en contact avec la population et soient le moins possible obligés de dépenser des francs ; ils seront logés dans des camps, payés en marks, nourris par les entrepreneurs allemands qui exécuteront les travaux sous la direction des ingénieurs français. On peut espérer qu’ainsi de grandes entreprises productives seront