Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/481

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ont montré, depuis tant de mois qu’elles sont dans le pays, un esprit de discipline et une modération d’autant plus méritoires qu’elles n’ont jamais cessé d’être en butte aux provocations et aux attentats. Pour tant de braves chasseurs assassinés traîtreusement, aucunes représailles. Qu’auraient fait les Allemands en pareil cas ? A défaut des coupables, ils auraient pris les maires et une dizaine d’otages et les auraient fusillés. Les autorités françaises ont cru pouvoir compter sur la justice allemande ; elles attendent encore des châtiments proportionnés aux crimes. Actuellement, même dans les territoires que nos troupes évacuent pour les rendre aux Allemands, il ne se passe pas de jour où des soldats français ne soient attaqués, assassinés, molestés ; c’est une véritable guerre qu’il faut mener là-bas contre les organisations militaires secrètes, et les coupables bénéficient toujours de la complicité des autorités allemandes. Les troupes françaises en Silésie ont impartialement maintenu l’ordre et la paix entre Polonais et Allemands : voilà comment le Reich les en remercie. Il est juste du moins qu’au moment où elles quittent un pays où elles laissent des morts, hommage leur soit rendu.

La justice allemande admet comme un axiome qu’un Allemand ne saurait avoir tort. Le procès du médecin Michelson, tortionnaire des prisonniers français, bourreau des malades, l’a montré une fois de plus ; il a été, d’un bout à l’autre, scandaleusement partial pour aboutir à un acquittement qui n’est qu’un déni de justice. La cour de Leipzig vient en revanche de condamner aux travaux forcés à perpétuité un certain Leoprechting qui avoue, faussement d’ailleurs, avoir été l’agent du ministre de France en Bavière. Il s’agit sans doute d’une machination de la police allemande destinée à compromettre la légation de France dont la présence exaspère les pangermanistes. Et M. Wirth se plaint que la France n’ait pas de politique en Allemagne !

Ce moment était-il particulièrement opportun pour que M. Lloyd George déclarât, dans une assemblée baptiste, que l’heure lui paraissait venue d’admettre l’Allemagne dans la Société des Nations ? Le Premier britannique n’imagine-t-il pas qu’avant de faire cette confidence publique à ses coreligionnaires, il eût été d’un bon allié d’en avertir d’abord la France, la Belgique et les autres États. C’est toujours le même procédé ; on place la France en présence d’une décision prise et publiée, afin de prévenir toute opposition de sa part. Si nous usions de telles méthodes, la presse anglaise se plaindrait : elle aurait raison.

Les événements de cette quinzaine ont précipité une nouvelle