Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/480

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dangereuses que Fichte, Hegel et surtout ceux qui, plus tard, ont vulgarisé leurs doctrines en les exagérant et en les faussant, ont introduites dans l’esprit germanique ; il faudrait que les Allemands cessassent de se croire une race élue par Dieu pour régenter l’univers, et que leurs professeurs d’éthique ne proclamassent pas l’identité du Juste et du Bien avec l’intérêt de l’État allemand. Problèmes d’ordre moral et psychologique, qu’un événement comme la mort de Rathenau dresse devant nos esprits dans toute leur complexe réalité, mais que la politique est, à elle seule, impuissante à résoudre.

Le chancelier Wirth, au lendemain de l’assassinat de Rathenau, a prononcé devant le correspondant de l’Écho de Paris une phrase qui appelle des réflexions. Pourquoi, a-t-il dit, la France n’a-t-elle pas, depuis l’armistice, « soutenu en Allemagne les honnêtes gens, encouragé les partis démocrates ? » Beaucoup de Français se sont posé et ont posé la même question, si angoissante pour notre avenir national. Nous croyons, pour notre part, qu’en 1919 surtout, la France aurait pu avoir en Allemagne une politique plus active et plus éclairée, mais cette politique ne pouvait être que très discrète et prudente. A plus forte raison le doit-elle rester aujourd’hui. Ces divergences, ces divisions parfois aiguës qui opposent en Allemagne les partis et les tendances, la vieille Allemagne à l’Allemagne nouvelle, on peut presque dire qu’elles ne se traduisent dans leur politique que dans la mesure où la nôtre semble les ignorer. Il est naturel qu’un grand peuple repousse, dans sa politique intérieure, toute ingérence de l’étranger. Ce qui précisément fait la difficulté de notre position actuelle vis-à-vis de l’Allemagne, c’est que nous ne pouvons rien abandonner, sans nuire gravement à nos intérêts essentiels, de ce que M. Wirth et ses amis pourraient souhaiter d’obtenir de nous pour consolider leur situation intérieure, c’est-à-dire une réduction de la dette allemande, ou l’évacuation des territoires occupés. C’est toujours là qu’il faut en revenir. Les ministères qui ont, comme celui du Dr Wirth, adopté une politique dite d’exécution, se sont montrés ou aussi réfractaires ou plus faibles que ceux qui affichaient une politique de résistance. Si nous voyions s’apaiser en Allemagne la campagne de calomnies et de mensonges qui s’y étale, et qui, après s’être, pendant la guerre, acharnée contre l’Angleterre, ne vise aujourd’hui que la France, c’est alors que peut-être nous pourrions croire à la sincérité du gouvernement de Berlin et à son pouvoir.

Les événements de Silésie nous apportent une preuve douloureuse des effets d’une telle propagande. Les troupes françaises d’occupation