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politique se colorait d’une fidélité relative à la signature donnée ; d’autres croient pouvoir, dès maintenant, se dispenser de toute politique d’exécution ; ils n’exécutent que leurs adversaires. Les deux méthodes, au fond, se rejoignent. Encore est-il que les modalités, pourvu que nous n’en soyons pas les dupes, ont leur importance. Le langage d’un Rathenau ne peut pas être le même que celui d’un Helfferich, mais les paroles restent et créent des courants d’opinion ; les hommes demeurent toujours plus ou moins prisonniers des mots qu’ils ont prononcés ou écrits.

Tout le problème allemand est d’ordre psychologique et non pas financier ; c’est ce que le Comité des Banquiers n’a malheureusement pas compris. Si la mentalité allemande ne se transforme pas, si les maîtres de la jeunesse et les conducteurs de l’opinion continuent à enseigner que l’Allemagne n’est pas coupable de la guerre, qu’elle n’a jamais lésé le droit des gens, que d’ailleurs elle n’a pas été vaincue, mais temporairement réduite à l’impuissance par la révolution, qu’enfin elle est victime des pires injustices en Silésie, à Dantzig, sur la Sarre, sur le Rhin et même en Alsace-Lorraine, l’Allemagne restera un grand danger pour la paix de l’Europe, quel que soit le régime, monarchie ou république, sous lequel elle vivra. Tout ce qu’on peut dire c’est que la République, ou tout au moins certains républicains, paraissent plus favorables au développement d’un esprit pacifique et hostile au militarisme prussien. Bismarck, après 1871, fit un raisonnement analogue et il est hors de doute, — le procès d’Arnim suffirait à l’établir, — qu’il a favorisé l’établissement en France d’une république ; il redoutait l’alliance des vaincus de Sedan et des vaincus de Sadowa sous les auspices du Saint-Siège et l’influence qu’une telle association pourrait exercer sur les populations catholiques du Rhin. Le calcul paraissait savant et l’était peut-être ; et pourtant la République française s’est alliée au Tsar de Russie et ce sont les armées de la République qui ont vaincu et détruit l’empire fondé par Bismarck. Il y a plus de chances pour qu’une monarchie, surtout avec les Hohenzollern, soit fidèle à la tradition prussienne, plus de chances, au contraire, pour qu’une république revienne aux traditions libérales allemandes de 1813 et de 1819 ; mais ces traditions sont, elles aussi, foncièrement nationalistes et anti-françaises. Et, c’est là pour l’avenir, le danger.

Désarmer l’Allemagne ce n’est pas seulement prendre ses canons et ses mitrailleuses, ce serait obtenir l’apaisement des esprits ; il faudrait d’abord désintoxiquer l’esprit allemand des formules