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du parti monarchiste est dans les campagnes, dans les associations de paysans. La Bavière est le centre, la forteresse du militarisme et du monarchisme ; Ludendorf y fait souvent sa résidence. Mais le chef des ligues de paysans, le Dr Heim, si monarchiste qu’il soit en théorie, hésite à déclencher un mouvement de restauration dont il n’est pas possible de mesurer les conséquences. Si le Gouvernement de Berlin devenait plus socialiste, le parti des paysans manifesterait plus librement ses préférences pour une politique monarchiste, réactionnaire et cléricale ; mais, en Bavière même, il se heurte à l’opposition des protestants démocrates et des ouvriers socialistes de la Franconie. Si les Wittelsbach remontaient sur le trône à Munich, peut-être verrait-on la Franconie se séparer et proclamer la république à Nuremberg ou à Bamberg. « La cause de la nervosité et des préoccupations qui grandissent de nouveau est en Bavière, » écrivait la Gazette de Francfort du 2 juillet. La Bavière s’abstient de manifestations en l’honneur de Rathenau et en exécration de ses assassins. Signe des temps ! Il existe toujours, entre la Bavière et le Reich, une « ligne du Mein » faite de traditions divergentes, de malentendus historiques ; mais, si cette ligne distingue, elle ne sépare pas ; il serait aussi faux d’en exagérer l’importance que d’en nier la réalité.

Dans le Reich, la situation des monarchistes est moins forte qu’on ne la dépeint parfois en France. C’est le comte Reventlow qui disait dernièrement : « On ne relève pas la monarchie aussi simplement qu’une chaise renversée. » Les monarchistes ne sont pas d’accord sur le monarque qu’il faudrait : un Hohenzollern ou un Wittelsbach ? Guillaume II ou son fils, ou son petit-fils ou quelque prince d’une branche collatérale ? L’assassinat de Rathenau a augmenté ces difficultés, renforcé ces obstacles. Il a posé, plus nettement que jamais, l’une en face de l’autre, la vieille Allemagne et l’Allemagne nouvelle. Verrons-nous, comme en France, la République, issue de la défaite et de la révolution, s’installer et durer, ou bien le triste interné d’Amerongen, ou quelqu’un des siens, s’asseoir sur le trône royal de Prusse et ceindre la couronne impériale ? La question, si importante qu’elle paraisse, n’est que secondaire, car s’il est aisé, dans les questions purement intérieures, de discerner en Allemagne deux ou plusieurs tendances qui s’opposent et se combattent, dès qu’il s’agit de maudire la France, de résister au Traité, de ne pas payer, on n’en trouve plus qu’une. Seuls les procédés différent. Rathenau estimait plus habile et plus prudent d’exécuter partiellement le Traité pour mieux en éluder l’exécution complète et sa