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ne prendra pas les mesures nécessaires pour protéger, contre cette nouvelle invasion, l’âme française. Le pacifisme communiste continue la guerre. Tel est l’aboutissement de la fausse et néfaste doctrine de la lutte des classes ; elle tend à substituer, aux guerres entre nations, les guerres cent fois plus atroces entre citoyens d’une même patrie. Quand on confronte les efforts de l’Allemagne pour rejeter loin d’elle et faire peser sur d’autres épaules la chape de plomb des responsabilités, et les mensonges dont les chefs communistes cherchent à insinuer le poison dans les cerveaux français, on ne peut s’empêcher de se souvenir que le marxisme, avec son évangile de guerre civile, est né en Allemagne et qu’il a toujours, jusqu’ici, servi les intérêts allemands. Un esprit puissant et pénétrant, M. Roman Dmowski, écrivait en 1908, dans son livre la Question polonaise : « Le mouvement socialiste en Europe est un mode de colonisation allemande par l’idée, et le travail des socialistes allemands est un moyen de répandre l’influence allemande dans les autres pays, non qu’ils se soient proposé ce but d’une façon consciente, mais parce que tel est le résultat de leur action. »

L’assassinat de Rathenau apparaît bien, à la lumière des renseignements qui nous arrivent d’Allemagne, comme un anneau dans une chaîne qui commence aux meurtres de Liebknecht, de Rosa Luxembourg, de Kurt Eisner, pour se continuer par l’attentat auquel vient d’échapper Maximilien Harden, le directeur bien connu de la Zukunft, juif et démocrate lui aussi, qui depuis longtemps s’est fait une spécialité de dire sans ménagements da cruelles vérités aux Allemands. L’assassinat de Rathenau a dissipé bien des voiles ; les assassins sont connus ; deux d’entre eux sont arrêtés ; ils appartiennent à l’organisation « Consul, » monarchiste, militaire, pangermaniste. Une caste qui perd le pouvoir se transforme aisément en sociétés secrètes ; à ces sociétés l’élément militaire apporte des cadres et une discipline hiérarchisée. L’Allemagne de 1914, en dépit de son Reichstag et de son suffrage universel, obéissait en réalité à une caste : les hobereaux prussiens, grands propriétaires et seigneurs féodaux, soldats au service de la monarchie prussienne et de son chef le Hohenzollern, roi de Prusse par la grâce de Dieu et Empereur allemand par la force de son épée. L’unité et l’Empire n’ont pas été créés par la volonté des peuples, mais par la conquête prussienne et par le prestige des victoires du roi de Prusse. L’incident de Saverne en 1913 a montré avec éclat que, contre la caste militaire dont le roi est le chef, qui supporte le trône et qui a fait l’Empire, ni les institutions.