Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 10.djvu/474

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vibrante improvisation que liront toutes les communes de France, un éclatant et magnifique hommage. Enfin, dans la séance du 6, M. Poincaré lui-même, avec toute la force de son esprit logique et toute l’indignation de son cœur patriote, a retracé son propre rôle dans ces jours tragiques. La Chambre, avec lui, a revécu toute l’histoire de l’Europe avant et pendant la guerre. C’est la crise balkanique, la défaite des Tures et des Bulgares, qui ont déterminé l’Empereur à accepter l’idée d’une guerre qu’il avait jusqu’alors repoussée et que le plan Schlieffen lui présentait comme une victoire certaine ; ce sont aussi certaines circonstances de la politique intérieure allemande, notamment le succès des socialistes aux élections de 1912, et la campagne pangermaniste menée par le Kronprinz. L’attentat de Sarajevo ne fut que l’occasion. M. Poincaré insiste avec raison sur un fait peu connu qu’ont révélé les publications de Kautsky ; l’ultimatum à la Belgique, remis le 2 août, avait été rédigé et expédié à Bruxelles dès le 26 juillet ; il y était dit que la France se préparait à envahir la Belgique. Tout était donc décidé et préparé dans les moindres détails avant la date où, au dire des Allemands, la mobilisation russe aurait entraîné la guerre. Les preuves, on éprouve quelque honte à le rappeler, sont abondantes, indiscutables. M. Herriot a rappelé le témoignage peu suspect de M. de Schœn, du 29 juillet, sur le désir de paix du Gouvernement français. Que reste-t-il donc de toutes les accusations communistes ? M. Blum, dans un discours subtil de casuiste exercé, a reproché au Gouvernement français d’avoir cru la guerre possible. Où en serions-nous s’il l’avait crue impossible ? C’est le cas de dire, avec M. Walter Berry, que certains pacifistes ont les mains sanglantes. Il est difficile de raisonner plus faux que M. Blum, ancien membre du Conseil d’État.

La Chambre, par 502 voix contre 61, a voté l’ordre du jour « réprouvant et flétrissant de toute la force de son mépris la campagne de calomnies organisée et développée au profit de l’Allemagne pour imputer à la politique de la France la responsabilité de la guerre, en dépit de l’évidence des faits et des aveux catégoriques consignés dans le traité de Versailles et formellement confirmés par le Reichstag dans la séance du 10 mai 1921. » Ne croyons pas, pour cela, que la campagne va cesser. Au contraire, elle va rebondir. Elle continuera parce qu’elle est « un outrage à la vérité et une injure à la patrie, » parce qu’elle sert certains intérêts, et parce qu’elle fait partie d’une vaste entreprise, depuis longtemps commencée, d’empoisonnement de l’esprit public. Elle continuera tant que le Gouvernement