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dans la séance du 5 juillet, a donné au Président du Conseil l’occasion de mettre ses ennemis au pied du mur. Sommés de s’expliquer, ils n’ont, naturellement, rien apporté. MM. Vaillant-Couturier, Cachin, Lafont, dans leur pauvre argumentation, ont surtout fait état des documents publiés par les bolchévistes, notamment de la correspondance de M. Iswolsky, ambassadeur à Paris. Ces documents ont été édités à Paris dans le Livre noir publié par l’Humanité. Dans un excellent petit volume : Livre noir et livre jaune, M. J. Romieu [1] a montré le néant des accusations que les communistes prétendaient en tirer contre M. Poincaré. A la lumière de ces documents, le Président du Conseil de 1922, comme le Président de la République de 1914, apparaît passionnément attaché au maintien de la paix, mais fidèle, comme c’était son strict devoir, à l’alliance franco-russe. M. Iswolsky, dans ses lettres, arrange un peu, dans l’intérêt de sa cause, les conversations qu’il entend à Paris ; mais, nulle part, il ne montre M. Poincaré encourageant la Russie à une guerre que d’ailleurs le Tsar ne voulait pas ; nous le voyons, tout au contraire, avertissant notre alliée des dangers où sa politique balkanique pouvait l’entraîner, préoccupé de prévenir les complications qui pourraient mettre la Russie en droit de faire appel au casus fœderis. Mais il ajoute, par exemple le 12 septembre 1912, que « si le conflit avec l’Autriche entraînait une intervention armée de l’Allemagne, le Gouvernement français reconnaît à l’avance que ce serait là un casus fœderis, et il n’hésiterait pas une minute à remplir les charges qui lui incombent vis-à-vis de la Russie. » C’est le langage de la loyauté politique, et M. Poincaré ne pouvait pas honnêtement en tenir un autre à un allié que, par ailleurs, il avertissait et retenait chaque fois que sa politique lui paraissait pouvoir entraîner des conséquences graves. « Les textes mêmes que les communistes invoquent contiennent la réponse à leurs propres accusations, mais ils oublient de les citer. » La politique de M. Poincaré, à cette époque et à la veille de la guerre, n’a rien d’obscur ; elle a été très bien expliquée, notamment par M. A. Gauvain, dans le dernier volume de l’Histoire de France, publiée sous la direction de M. Lavisse. M. Blum lui-même a reconnu à la tribune que, dans la crise balkanique, M. Poincaré « a fait tous ses efforts pour maintenir la paix. » Quant à son attitude en 1914, dans la séance du 5, M. Viviani, président du Conseil en 1914, lui a rendu, dans une

  1. Alfred Costes, éditeur. Le Gouvernement français vient de faire publier deux Livres jaunes sur les événements balkaniques de 1912 à 1914.