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désintégration, substitué aux procédés chimiques de Ramsay un procédé physique infiniment plus sensible comme nous allons voir. Il fit bien car, on le montrera tout à l’heure, les produits des désintégrations réalisées sont en quantités trop faibles pour être décelables aux méthodes les plus délicates de l’analyse purement chimique usuelle.

Voici donc comment a opéré Rutherford ou, pour mieux dire, voici comment on peut schématiser son mode opératoire, les idées qui l’ont guidé et les résultats obtenus :

Considérons d’abord ce qui se passe quand on projette des particules α dans de l’hydrogène. Il ne saurait en ce cas être question d’une rupture du noyau d’hydrogène, puisque celui-ci est l’élément primordial de la particule Alpha elle-même. Qu’arrive-t-il donc, quand un projectile Alpha heurte un noyau d’hydrogène ? Il arrive évidemment que celui-ci (qui est quatre fois plus léger que la particule) reçoit par suite de la collision une impulsion violente qui lui donne une très grande vitesse et un parcours quatre fois plus grand que celui qu’aurait eu la particule Alpha incidente.

On constate cela au moyen d’un appareil qui a été beaucoup employé par Rutherford. Il consiste en un écran recouvert d’une substance phosphorescente qu’on appelle le sulfure de zinc. Lorsqu’on bombarde un écran de sulfure de zinc avec des particules Alpha, on peut voir dans l’obscurité et à la loupe ou au microscope, chacun des points d’impact des particules marqué par une petite scintillation instantanée du sulfure de zinc. On a même pu en déduire facilement le nombre des particules Alpha émises chaque seconde par les divers corps radioactifs, et les nombres trouvés ont été en parfait accord avec ceux qu’avaient fournis d’autres méthodes. Les noyaux d’hydrogène très rapides produisent le même effet sur l’écran au sulfure de zinc et c’est ainsi qu’on a pu constater leur impulsion par les particules Alpha qui les heurtent.

La première expérience décisive de transmutation de Rutherford, a été la suivante : On fait traverser par les rayons Alpha provenant d’un corps radioactif une certaine épaisseur d’oxygène ou d’acide carbonique secs. Si on remplace ces gaz, sous la même épaisseur, par de l’air, on constate que le nombre des scintillations observées sur l’écran au sulfure de zinc qui limite la couche gazeuse devient trois ou quatre fois plus grand. Cet accroissement est encore accentué si on substitue à l’air de l’azote chimique, ce qui prouve bien que c’est l’action des rayons Alpha sur l’azote de l’air qui produisait l’augmentation précédente des scintillations.