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nous intéresse, s’adresser à des sources d’énergie extraordinaires.

Sir William Ramsay, préoccupé de ces questions, il y a quelques années, et peu avant sa mort, comprit rapidement que la plus adéquate au but poursuivi et la plus puissante, ou pour mieux dire la mieux concentrée des sources d’énergie connues était celle des particules Alpha des corps radioactifs.

Il est certain que l’énergie du projectile lancé par une pièce de marine de 380, est infiniment supérieure à celle d’une particule Alpha lancée par le radium (bien que la vitesse initiale de cette particule soit plus de 10 000 fois plus grande que celle de l’obus). Mais si on se propose de bombarder un atome avec l’un et avec l’autre, il est clair que la fraction de l’énergie de l’obus qui atteindra l’atome sera proportionnelle à l’infime fraction de la surface de l’obus qui entre en contact avec cet atome. Et alors le calcul montre immédiatement que l’énergie fournie à l’atome bombardé est bien plus petite dans le cas de l’obus que dans le cas du projectile Alpha. Ce qu’il importe, c’est que l’énergie employée soit très concentrée, et soit tout entière utilisée et projetée sur le noyau de l’atome à bombarder. On peut dans ces conditions faire le calcul suivant :

Les particules α sont lancées par le radium avec une vitesse initiale de 16 000 kilomètres par seconde, donc 20 000 fois plus grande que celle d’une balle de fusil. L’énergie cinétique est, on le sait, proportionnelle au carré de la vitesse. A égalité de masse, les particules Alpha possèdent donc une énergie cinétique 400 millions de fois plus grande qu’une balle de fusil de guerre. C’est bien la source d’énergie la plus concentrée qu’on connaisse. Même les électrons des rayons cathodiques les plus rapides ont une énergie très inférieure à celle des rayons Alpha, car, bien que leur vitesse soit plus grande, leur masse est insuffisante. Et, dans ce dernier calcul, on ne s’étonnera pas que nous ne calculions plus l’énergie à égalité de masse, car, dans le cas d’un électron comme dans le cas d’une particule Alpha projetée sur un noyau atomique, toute l’énergie fournie est utilisable.

Sir William Ramsay fut donc le premier qui essaya de désintégrer des atomes en les bombardant au moyen des particules Alpha. Il espérait déceler les produits de la désintégration par les procédés chimiques ordinaires. Les résultats de ses expériences sur ce point n’ont pas réalisé ses espoirs et furent finalement négatifs.

Il appartenait à Rutherford en utilisant la même méthode initiale, mais singulièrement perfectionnée, d’obtenir enfin le succès. Celui-ci est dû surtout à ce que Rutherford a, pour déceler les produits de la