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à des vibrations complexes qu’il est difficile d’attribuer à une seule et unique particule atomique.

Il n’était pas jusqu’à l’astronomie qui ne conduisit à des hypothèses analogues. En particulier sir Norman Lockyer, — dont j’ai il y a une douzaine d’années analysé ici les beaux travaux à propos de la température des étoiles [1] — avait remarqué ceci : dans les astres les plus chauds on ne rencontre que les raies de l’hydrogène et de l’hélium à côté d’un nombre restreint des raies d’éléments ayant des poids atomiques faibles ; on trouve dans les spectres des étoiles de température un peu moins élevée les raies de quelques métaux ; enfin dans les étoiles à température exclusivement basse les raies du carbone et des métaux lourds. Lockyer avait cru pouvoir en déduire qu’à mesure que les astres se refroidissent, la matière primitive commune à tous les atomes se condense en éléments à poids atomiques de plus en plus grands.

Les étoiles, selon Lockyer, nous montrent ainsi de véritables transmutations dans le sens même cherché par les alchimistes. Ces idées de Lockyer n’eurent pas à l’époque où elles furent émises la faveur des savants, encroûtés dans le dogme de la spécificité irréductible des divers éléments chimiques. Il no faut jamais être trop en avance sur son temps.

Mais ce qui emporta tout, ce qui balaya l’atomisme daltonien dans ce qu’il avait d’étroit et d’exclusif, ce fut la découverte des corps radioactifs, et des phénomènes connexes. L’étude des transformations radioactives nous lit assister à une série de transmutations spontanées de métaux lourds, — uranium et thorium, — en d’autres plus légers. La plus connue de ces transmutations spontanées est celle qui change continuellement l’émanation, cette effluve gazeuse du radium découverte par Rutherford en hélium. Comment ne pas rappeler à ce propos que le gaz hélium a été découvert par Lockyer dans le soleil bien longtemps avant d’être décelé dans l’air même que nous respirons ?

L’étude des rayons cathodiques qu’on produit au laboratoire et des analogues que le radium émet spontanément, et qu’on appelle les rayons Bêta, prouva définitivement l’existence, dans tous les atomes quels qu’ils soient, de ces petites planètes infimes et toujours identiques qu’on appelle les électrons. Je n’y insisterai pas, ayant déjà traité ce sujet ici-même.

L’existence des électrons, comme constituants communs à tous les

  1. Voyez, dans la Revue du 1er juin 1910, les Métamorphoses des étoiles et leur température, par M. Ch. Nordmann.